Hors série n°1

Nathan

 

Elle décroche mais garde le silence. J’entends sa respiration au travers du combiné du téléphone. Elle semble inspirer puis s’arrêter un instant avant d’expirer d’un coup comme pour tenter de garder le contrôle de ses affects.

Je ne peux m’empêcher de sourire à Greg et Mathias juste à côté de moi, satisfait que mon plan ait fonctionné malgré les quelques imprévus que nous avons rencontrés. Greg me retourne son rictus de satisfaction pervers et Mathias se contente de maintenir les gosses près de lui, l’air pas vraiment ravi de ce qu’il vient de faire.

Tant pis si ça ne lui plaît pas. Lorsque cette éveillée nous aura définitivement rejoints, il changera d’avis.

Voyant qu’elle ne compte pas débouler un mot, je finis par prendre la parole, réellement amusé maintenant.

-Allo ? Allo allo ? » Commencé-je d’un ton joyeux. « Allons, ne sois pas timide. Je sais que c’est toi qui as décroché, n’est-ce pas ? Ambre ? »

Sa respiration semble s’être arrêtée à nouveau lorsque j’ai prononcé son prénom.

-Qu’est-ce que tu veux ? » Me demande-t-elle d’un ton sec.

Elle a une jolie voix de femme malgré sa colère, ni trop grave, ni trop aiguë. C’est agréable à entendre lorsque l’on est resté entre couilles pendant plusieurs mois.

J’espère que le physique va bien avec cette voix. J’aime quand les ensembles sont harmonieux.

-C’est de l’impatience que j’entends ? » Je lui réponds. « Attends, on va faire un peu connaissance avant. Et puis, ensuite, on verra les… Modalités de notre coopération. »

-Il n’y aura aucune coopération tant que je n’aurais pas vu les deux enfants. » Lâche-t-elle rapidement, pensant peut-être que je suis assez stupide pour accepter une telle proposition.

-Les voir ? » Puis je fais claquer ma langue en signe de dénégation. « Non désolé c’est impossible. Bien trop risqué. En revanche je peux te les passer une petite seconde… »

Je fais un signe de tête à Greg qui enclenche le mode enregistrement sur son téléphone portable et l’approche de la bouche de Bastien alors que je place le téléphone sur l’oreille du gosse.

C’est probablement notre seule chance de faire un enregistrement correct de sa voix au cas où les choses ne se passeraient pas comme prévu avec eux. J’ai bien essayé de les faire parler depuis que Mathias les a amenés ici mais on ne peut pas dire qu’ils soient très bavards.

J’entends la voix de l’éveillée grimper de plusieurs octaves lorsqu’elle se met à leur parler.

-Cat ? Bastien ? » Appelle-t-elle d’un ton désormais empreint d’angoisse. « C’est très important, il faut que tu me répondes… »

Le gamin finit enfin par lâcher un mot.

-Ambre ? » Lui répond-il d’une voix tout juste audible.

Elle se remet alors à lui parler d’un ton urgent, sans doute dans l’espoir d’en apprendre plus sur leur état et le lieu où ils se trouvent.

-Bastien… Bastien, réponds-moi. Est-ce que ta sœur est avec toi ? Est-ce qu’ils vous ont fait du mal ? »

Je laisse encore le gosse lui répondre avant de reprendre brutalement la communication.

-Satisfaite ? » Je lui demande, sachant pertinemment qu’elle attendait bien plus que seulement trois mots.

Elle prend une seconde pour changer à nouveau de ton et me demande d’une voix emplit de haine comme si elle pouvait cracher de l’acide par le combiné.

-Tu tiens à ton collègue ? »

Je hausse les sourcils un peu surpris qu’elle ose tout de même menacer l’un des nôtres alors que nous détenons ce qui semble lui tenir le plus à cœur.

Et je comprends simultanément que c’est mal barré en ce qui le concerne.

Je tente tout de même de lui sauver la peau mais je sens bien que c’est perdu d’avance.

-Pourquoi ? Tu voudrais l’éliminer ? C’est un peu risqué… »

Un craquement, semblable à celui d’une branche que l’on sectionne à la main, retenti à travers le combiné avant même que je n’ai fini ma phrase.

Oulà… Va falloir que je la prenne avec des pincettes celle-là…

J’hésitais déjà sérieusement à la laisser à Greg avant de partir mais il est clair que vu son comportement, je ne peux pas me permettre de tout gâcher juste pour le plaisir sadique de mon psychopathe d’allié.

Il va m’en vouloir mais peu importe. Avec un peu de chance, je pourrais même me débarrasser définitivement de lui.

Il a beau être utile, ses pulsions nous ont vraiment mises dans la merde.

Chose que je ne lui pardonnerais jamais.

-J’espère que ce n’était pas le cas. » Me dit-elle d’un ton glacial alors que je suis pris dans mes pensées. « Considère que c’est un avertissement. Si vous faites quoique ce soit aux enfants. Quoique ce soit… »

J’imagine que je ne peux pas vraiment lui en vouloir de tenter de m’impressionner.

-Oh oh ! Très bien. » Je lui réponds d’un ton égal « Nous en prendrons soin c’est promis. Et pour ton information, non je n’y tenais pas particulièrement. Il était utile parfois mais… » Je hausse les épaules et croise le regard de Mathias. Il comprend instinctivement que Paul est mort et un éclat de culpabilité traverse ses iris avant qu’il ne baisse la tête, serrant les mâchoires. Je poursuis, ignorant son humeur. « Bien, alors je te donne rendez-vous à Ferrette. Je ne connaissais pas mais c’est une sympathique petite ville… »

Mais un bip caractéristique m’apprend qu’elle a déjà raccroché.

Je soupire, range le téléphone dans ma poche et prends le temps de me détendre les doigts avant de sortir une cigarette.

-Tu peux y aller Mat. » Lui dis-je en l’allumant. J’inspire une longue bouffée avant d’en relâcher la fumée, lentement. « Viens Greg, elle ne va pas mettre longtemps à venir jusqu’ici. »

-Elle l’a buté ? » Me demande ce dernier alors que Mathias s’est déjà éclipsé avec les gamins.

Le sourire de Greg s’élargit. J’imagine que ça doit l’exciter de penser qu’il va pouvoir dominer une éveillée d’une telle puissance.

Je me retiens de lui dire qu’il n’en est désormais pas question. Il n’est pas en capacité de le comprendre et le mettre de mauvaise humeur juste avant de la rencontrer risque de tout faire foirer.

-Oui. » Je lui réponds simplement.

Puis je rejoins la porte de l’église, ma cigarette entre les lèvres et nous sortons tous les deux, prenant le chemin vers un château en ruine, un peu en hauteur.

Je savoure la sensation de la nicotine sur mon cerveau et contemple ma cigarette, m’attardant sur la cicatrice de mon doigt manquant.

Bientôt… Bientôt Anna…

Tu vas regretter ça…

 

J’ai vécu, une dernière et mémorable soirée avant la catastrophe.

Nous avions pris le risque de l’organiser un dimanche soir, mais ça n’a pas empêché grand monde de venir.

Il est vrai que j’ai toujours eu un don inné pour convaincre les gens. On me disait souvent que j’aurais dû faire de la politique, que j’avais du charisme et une facilité inouïe à arranger la vérité pour qu’elle corresponde à ce que je souhaite.

Ça m’a servi de nombreuses fois, même lorsque j’étais jeune. Ma mère ne pouvait rien me refuser. Après tout, j’étais son seul et unique enfant.

Et j’en ai largement profité, à l’époque.

Mon père aurait été moins conciliant mais il n’avait pas droit de cité dans la maison. C’était ma mère qui portait la culotte.

Et les couilles qui allaient avec.

J’avais tellement bu cette nuit-là qu’on a fini au poste au petit matin, arrêté pour ivresse sur la voie publique et exhibitionnisme en ce qui concernait mon plus proche ami.

Qu’est-ce que j’ai ri lorsque l’on nous a mis au courant de nos délits.

Lui, semblait bien plus embêté. Il avait peur de perdre son travail à cause de ça. C’est vrai que comme justification pour une absence le lundi matin, ça passait mal…

Je l’ai rassuré en lui disant, qu’au pire, il en trouverait un autre de boulot. Il était suffisamment intelligent pour ça.

Il a grimacé en m’entendant lui dire ça alors que nous étions toujours derrière les barreaux. Puis je me souviens avoir eu une migraine atroce.

Du sang s’est écoulé de mes bras sans que je ne comprenne d’où il venait, ni pourquoi. Et mon ami s’est mis à hurler, paniqué.

Lorsque je me suis réveillé, il était mort. Tout comme le policier qui était très certainement venu en courant pour répondre à son appel.

Je suis resté un long moment, assis au sol, sans bouger, les bras recouverts de sang coagulé. Puis j’ai fini par comprendre que je risquais de rester coincé ici un moment si je n’appelais pas à l’aide.

C’est ce que j’ai fait. J’ignore combien de temps je me suis égosillé sans que personne ne vienne à mon secours. J’ai attendu ensuite, en me disant que d’autres flics, ou les pompiers peut-être, allaient finir par rappliquer.

En vain.

Le soir du deuxième jour, j’ai réellement commencé à paniquer.

Je me suis mis à frapper la porte de ma cellule et à hurler à me faire exploser les poumons, ne supportant plus l’odeur de mort qui flottait dans la pièce alors que le corps de mon ami s’était littéralement vidé sur le sol.

J’avais déjà vomi à plusieurs reprises dans les toilettes durant la journée et je pensais devenir fou.

Lorsque j’ai senti une onde me traverser. J’ai étendu instinctivement le bras, dirigeant l’onde au bon endroit.

Elle a percuté violemment les barreaux de la porte et les a tordus suffisamment pour que je puisse me glisser hors de ma cellule et sortir.

J’ai couru au dehors sans voir les autres corps au premier abord.

Jusqu’à ce que je parvienne définitivement à sortir du commissariat.

J’ai cligné des yeux à plusieurs reprises devant le spectacle. Les voitures à l’arrêt, certaines encore fumantes alors qu’elles en avaient percuté d’autres, les cadavres par centaines…

Par milliers…

Je ne pensais pas être capable de rendre encore, mais c’est ce que j’ai fait. À deux reprises.

Mon cerveau ne parvenait pas à comprendre l’horreur de ce qui venait de se produire. Ce ne pouvait pas être un simple attentat. Pas à cette échelle.

Et dès le premier jour, je me suis fait agresser.

Les survivants avaient l’air d’avoir perdu la raison. J’en ai trouvé plusieurs, errant l’œil hagard dans les rues. Certains semblaient chercher des connaissances parmi les cadavres.

Alors que d’autres chassaient purement et simplement leurs congénères.

Alors que je tournais à l’angle d’une ruelle j’ai entendu crier. Un cri de femme, d’une détresse intense. J’ai couru vers les hurlements et je l’ai découverte déjà à moitié nue, alors qu’un homme au regard fou tentait de la violer.

J’ai reproduit ce que j’avais fait dans ma cellule, me disant que ce n’était certainement pas un hasard que j’ai ainsi pu sortir et que je sois arrivé là à cet instant précis.

Et j’ai eu raison.

Il est mort sur le coup, la nuque brisée.

Mais mon pouvoir a fait fuir la femme et elle ne s’est pas retournée malgré mes appels.

La même journée, j’ai croisé une autre personne qui avait un pouvoir semblable au mien. Initialement, je ne voulais pas lui faire de mal, mais elle ne m’a pas laissé le choix.

Et j’ai vite compris, au vu du nombre de personne vivant dans la capitale avant cette catastrophe que j’avais plutôt intérêt à me barrer, assez rapidement, si je voulais avoir une chance de rester en vie.

Je suis allé vers l’ouest et, après quelques longues semaines à me débrouiller seul, j’ai fini par trouver une autre personne qui avait gardé l’esprit à peu près clair.

Je cherchais de quoi manger dans une supérette un peu à l’extérieur d’une petite ville de province lorsque j’ai senti, puis entendu, une autre personne entrer. J’ai compris tout de suite qu’il s’agissait d’un éveillé, comme moi, même si j’ignorais que notre espèce s’appelait comme ça à cette époque, et je me suis préparé à me battre.

Il ne s’est absolument pas rendu compte de ma présence. C’est comme s’il n’avait pas d’odorat, contrairement à la plupart des nôtres et je l’ai observé en silence alors qu’il fouillait les étagères encore pleines de vivres.

C’était un grand black plutôt baraqué, la trentaine environ. Et je me suis dit en le voyant qu’il avait une bonne gueule.

-Tu cherche quelque chose ? » Lui ai-je soudain demandé en guise de présentation.

Et il a disparu instantanément.

C’était mon tout premier téléporteur et je suis resté sans voix alors que son corps avait brusquement disparu de mon champ de vision.

Il avait laissé ses vêtements en chemin cependant.

Je suis allé les ramasser, puis je l’ai cherché autour du magasin.

Il était allé loin, ce con, et j’ai mis plusieurs minutes à le retrouver.

Il m’a observé en silence lui ramener ses affaires alors qu’il tremblait de froid, en partie caché derrière les poubelles de l’enseigne.

J’ai posé ses vêtements et j’ai levé les mains pour qu’il comprenne que je n’étais pas venu lui faire du mal.

-C’est bon mec. » Je lui ai dit d’un ton rassurant. « J’ai pas complètement perdu la tête et je bute pas tout ce qui bouge… Et j’espère que toi non plus. »

Il m’a fixé un long moment puis il a brusquement expiré tout l’air qu’il avait dans ses poumons avant de détendre ses muscles.

-Putain… » A-t-il lâché en sortant de sa cachette, se cachant maladroitement les parties avec ses mains. « J’ai cru que je croiserais plus jamais de gens normaux de ma vie… » Il a ramassé ses affaires et s’est rapidement rhabillé. « Si tu pouvais éviter de mater… »

-Hé ! C’est toi qui t’es foutu à poil ! » Je lui ai répondu en riant, tellement soulagé de pouvoir enfin parler à quelqu’un de sain d’esprit.

Mais j’ai pris le temps de remarquer la large cicatrice blanche en forme de losange au milieu de son torse.

-Tu t’es réveillé avec cette marque ? » Lui ai-je demandé.

-Ouais… » M’a-t-il simplement répondu avant de me demander en retour. « Et toi ? »

J’ai remonté mes manches pour lui montrer mes avant-bras.

Ses yeux se sont écarquillés.

-Oh putain ! T’as dû déguster ! » S’est-il exclamé.

J’ai secoué la tête.

-Pas vraiment… Je suis tombé dans les pommes. »

Il m’a souri de ses dents blanches.

-Bon, ben on est dans la même merde alors. » A-t-il conclu.

-Je crois oui. Moi c’est Nathan. »

Et je lui ai tendu la main.

-Mathias. » M’a-t-il répondu en la serrant.

 

Nous ne nous sommes plus jamais quittés par la suite.

Nous avons appris ensemble à utiliser nos pouvoirs respectifs. J’enviais un peu le sien, alors qu’il découvrait qu’il pouvait partir ou bon lui semblait et transporter presque ce qu’il voulait avec lui.

On était sur la même longueur d’onde au début. Cherchant des vivres, défendant nos vies et nous amusant parfois, il faut bien l’admettre avec certaines de nos victimes. Jamais très longtemps cependant. Nous n’étions pas des violeurs ni l’un ni l’autre et on n’éprouvait pas foncièrement du plaisir à faire souffrir.

Mais nous aimions nous sentir puissants.

Et nous l’étions, surtout parce que nous étions deux.

J’ai fini par lui faire part de ma volonté de retourner sur Paris. Et ça a été le début d’une fracture entre nous.

-Mais qu’est-ce que tu veux foutre là-bas putain ?! » S’est-il exclamé une fois. « Y a rien de plus qu’ailleurs ! Ah si pardon… Des centaines de psychopathes. »

J’ai soupiré bruyamment, lasse de devoir me justifier une énième fois.

-C’est ma ville Mat. » Lui ai-je dit d’un ton sans appel. « C’est là où je suis né, où j’ai grandi… Je ne veux pas vivre ailleurs. » J’ai réfléchi un moment avant d’ajouter avec humour. « Et puis c’est quand même plus classe que ces trous perdus que l’on squatte depuis le début. »

Il a regardé autour de lui, son regard glissant sans les voir sur les meubles du salon de l’hôtel dans lequel nous nous étions installés, cherchant peut-être un moyen de me faire entendre raison. Puis il s’est à nouveau tourné vers moi et m’a fixé bien dans les yeux.

-C’est toi-même qui m’as dit que tu en étais parti parce que c’était trop dangereux… Ça ne risque pas de s’être amélioré depuis. »

J’ai soutenu son regard un long moment.

Sur ce point, il n’avait pas tort.

Et puis j’ai réfléchi.

Mathias ne pouvait pas être le seul éveillé à pouvoir communiquer de façon normale. Il devait forcément y en avoir d’autres.

Et si nous étions plus nombreux… Plus aucun ennemi ne représenterait un danger pour nous…

Je lui ai soudain souri et il a froncé les sourcils devant mon brusque changement d’humeur.

-On n’a qu’à se faire de nouveaux potes… » Lui ai-je alors proposé.

Il a pris le temps de réfléchir et a fini par hocher la tête.

-Ce n’est pas une mauvaise idée. » A-t-il conclu.

Et je lui ai tapé sur l’épaule pour sceller notre accord.

 

-On ne peut plus le garder Nathan ! » S’est exclamé Mathias juste après s’être téléporté dans mon appartement. « C’est un putain de psychopathe ! Si tu avais vu dans quel état il a mis ce type… »

J’ai fait semblant de ne pas comprendre

-De qui tu parles Mat ? » Lui ai-je demandé innocemment.

Il a très vite perdu patience.

-De Greg putain ! De ce taré de Greg ! » Sa colère était telle que ses yeux semblaient vouloir sortir de leurs orbites. « Je t’avais dit que je le sentais pas ce mec… » Il a secoué la tête et a été pris d’un frisson de dégoût.

J’ignorais ce qu’il avait vu mais je savais depuis longtemps que Greg n’était pas doté d’une conscience bien développée du bien et du mal. Son rire, lorsqu’il tuait, donnait froid dans le dos, et il avait pris la mauvaise habitude de garder en vie quelques victimes. Particulièrement lorsqu’il y avait des femmes.

On ne les revoyait plus ensuite et j’imaginais assez bien qu’il était atteint de cette tare qu’avait développée un certain nombre d’éveillés après la catastrophe, et qui consistait, entre autres, à s’amuser aux dépens d’autres êtres humains.

Chez lui cependant, cette caractéristique était particulièrement développée.

Mais il se trouvait que son pouvoir était indispensable. Au-delà de la défense et de l’attaque, il nous permettait de recueillir des informations dont nous n’aurions jamais disposé aussi facilement sans lui.

Et je ne pouvais pas me permettre de le perdre, surtout alors que l’on commençait tout juste à rejoindre les abords de Paris.

-Ecoute… » Lui ai-je dit en me rapprochant de lui et en le prenant légèrement par l’épaule. « Tu le connaissais ce type ? Celui qu’il a gardé pour faire… enfin, tu sais quoi ? »

Son regard s’est fait hésitant.

-Non mais… »

-On est plus dans le monde d’avant Mat. » Lui ai-je dit lentement. « Si tu ne le connaissais pas alors laisse tomber. » Il a brusquement tourné la tête vers moi, scandalisé. « Mat ! La plupart des éveillés que l’on a avec nous pratique aussi ce genre de chose ! »

Il a à nouveau secoué la tête.

-Pas comme… Pas comme ça… »

J’ai soupiré.

-Greg est un peu différent, mais on a besoin de lui. Et je n’ai pas vraiment envie qu’il se retourne contre nous… Surtout à cette période de l’année. » Mathias n’a pas eu l’air vraiment convaincu par mes propos. « Bon… Si jamais tu trouves… Quelqu’un auquel tu ne veux pas qu’il touche. Je ferais le nécessaire, c’est promis. »

Il a plongé son regard dans le mien et j’ai pris l’air le plus franc que je pouvais.

Et il a enfin fini par hocher la tête.

-D’accord Nathan mais si un jour on est suffisamment nombreux et puissant pour se débarrasser de lui. Il faudra le faire. » M’a-t-il prévenu.

Je lui ai souri, confiant.

-Bien sûr. On s’en occupera. » Et je lui ai gentiment tapé sur l’épaule. « Tu en as quand même profité pour lui dire de venir me voir ? »

Il a levé les yeux au ciel.

-Il va arriver, t’en fais pas. Maintenant que j’ai cassé son jouet… »

Et il a quitté la pièce.

J’ai expiré lentement.

Je savais que ces deux-là allaient se faire la guerre à partir de cet instant, surtout si Mathias avait eu la stupide idée de frustrer Greg dans ses activités en achevant sa victime avant lui.

Je le savais mais je n’imaginais pas à quel point.

 

Greg s’est vengé quelques mois plus tard, après que nous nous soyons enfin installés dans une des discothèques de la capitale.

Mais pas n’importe comment.

Au cours d’une mission de ravitaillement, Mathias a ramené autre chose que des vivres. Il avait trouvé une jeune éveillée du nom de Sarah. Un élément bien inutile puisqu’elle était à peine capable de réchauffer nos plats, et encore, il fallait quasiment qu’elle les touche pour le faire.

Je n’étais pas pour qu’on la garde mais Mathias a toujours été trop sensible avec les plus faibles. Il s’y était attaché. Pas comme s’il voulait l’avoir dans son lit, non, c’était… Plus fraternel.

Et ça ne me servait pas à grand-chose à part que ça faisait une bouche de plus à nourrir.

Je l’avoue, je me suis un peu servi de Greg pour m’en débarrasser, lâchant à plusieurs reprises devant lui que je préférerais qu’on s’en sépare puisqu’elle ne nous servait à rien.

Mais je ne pensais quand même pas qu’il irait à de telles extrémités.

C’était mal le connaître.

Je me suis rendu compte de mon erreur lorsque Mathias est revenu d’une autre mission que je lui avais donnée.

-Sarah ! » L’ai-je entendu crier, puis il est très vite monté en puissance. « SARAH ! » A-t-il gueulé dans toute la boîte de nuit.

J’étais en pleine action avec Emily, l’une des éveillée de notre clan, debout, la prenant contre un mur. Ce n’était rien de sentimentale ni pour elle ni pour moi, juste une nécessité physique mais j’ai su tout de suite qu’il fallait que je m’arrête net dans mes affaires.

-Qu’est-ce qui se passe ? » M’a-t-elle demandé alors que je tournais la tête en direction des cris en fronçant les sourcils.

J’ai relâché ses cuisses pour lui permettre d’atterrir sur le sol, puis je me suis éloigné d’elle en secouant la tête et me suis habillé rapidement.

-Je ne sais pas mais on reprendra ça plus tard chérie. » Lui ai-je dit pour la congédier.

Elle a soupiré avant de ramasser ses vêtements dans la pièce.

Je suis sorti et j’ai assez rapidement retrouvé Greg, presque guilleret assis au bar.

-Qu’est-ce qui se passe. » Lui ai-je immédiatement demandé, sentant instinctivement qu’il avait certainement quelque chose à voir là-dedans.

-J’ai fait ce que tu m’as demandé. » M’a-t-il simplement répondu avec un petit sourire à faire froid dans le dos.

Et là, j’ai compris.

-Putain Greg. » Ai-je lâché en me passant la main dans les cheveux. « Ne me dis pas que tu l’as butée ? »

Son sourire s’est encore élargi.

-Mais non Nathan. » M’a-t-il répondu presque en riant. « Ce n’est pas ce qu’il y a de plus drôle à faire tu le sais bien. Mais elle ne s’en remettra jamais. » A-t-il conclu.

J’ai soupiré sans chercher à savoir le sort qu’il lui avait réservé. Comme je le pensais, Mathias a fini par réapparaître beaucoup plus tard dans la soirée. Il a collé Greg contre le mur, le regard fou. Je suis immédiatement intervenu, en tentant d’abord de le ramener à la raison sans utiliser mes pouvoirs contre lui mais il ne m’a pas laissé le choix.

Il est rapidement retourné auprès de Sarah.

Mais elle avait eu le temps de se suicider en se pendant à l’un des tuyaux de chauffage.

Mathias a mis un temps fou à s’en remettre et j’ai eu beaucoup de mal à le convaincre de ne pas éliminer Greg.

-C’était une gentille fille Mat. » Lui ai-je dit un jour pour tenter de le calmer. « Mais elle n’était pas faite pour ce monde. Elle serait morte tôt ou tard… »

-TU SAIS CE QUE CE MONSTRE LUI A FAIT ? » M’a-t-il hurlé à la gueule.

J’ai à nouveau essayé de l’apaiser, le prenant par les épaules mais il m’a vivement repoussé.

-Mat ! C’est toi qui as donné à Greg ce qu’il voulait en t’attachant à elle putain ! » Lui ai-je soudain rappelé. Il m’a fixé une minute, une souffrance intense dans le regard. « Mat… » L’ai-je encore appelé d’un ton plus doux. Je l’ai repris par les épaules et cette fois il s’est laissé faire. « Tu sais bien qu’on ne peut pas garder des éléments comme Sarah… Ce n’est pas bon ni pour eux ni pour nous… Et Greg a trop d’importance pour qu’on se permette de le perdre. » Il m’a regardé à cet instant en haussant les sourcils, ne partageant visiblement pas mon avis. « Fais en sorte de ne pas lui redonner ce genre d’occasions. C’est le seul conseil que je peux te donner. »

Et il a fini par m’écouter.

Mais il n’a plus jamais été le même après ça.

 

Et puis, un jour où nous recherchions des ressources dans un des nombreux quartiers de la capitale, nous sommes tombés nez à nez avec un autre clan d’éveillé.

Ils étaient moins nombreux que le mien mais leur chef disposait à elle seule de plusieurs capacités. Dont l’une d’entre elle que je n’avais encore jamais vue.

Alors que nous commencions déjà à nous attaquer, je l’ai vu sortir de longues lames blanches de son dos et les abattre sans pitié sur deux de mes éveillés.

Et j’ai compris tout de suite qu’on ne pouvait pas se permettre de les avoir en ennemis.

Je me suis placé bien devant elle sans chercher à l’attaquer, sachant que Mathias n’était pas loin pour me sauver la peau si jamais elle tentait de m’éliminer avec ses lames.

-Holà ! » Me suis-je immédiatement exclamé. « Et si on discutait un peu avant de nous entre-tuer ? »

Elle m’a fixé une seconde de ses yeux gris avant de hausser délicatement ses sourcils parfaitement taillés.

C’était un sacré bout de femme, je l’ai remarqué tout de suite. Le genre que j’ai toujours préféré. Une abondante poitrine, des hanches généreuses, des fesses auxquelles on peut facilement s’agripper. Un joli visage un peu rond libéré de ses cheveux qu’elle préférait tirés en arrière dans un chignon très calculé.

J’ai aussi immédiatement aimé son style, un peu masculin. Sans doute parce qu’il donnait l’impression que sa chemise pouvait à tout moment éclater face à l’impressionnante tension qu’exerçaient ses seins sur le tissu.

Elle a replacé ses lames derrière son dos sans pour autant les faire disparaître tout en faisant signe à ses éveillés d’arrêter les hostilités.

-Tu cherche à gagner du temps ? » M’a-t-elle immédiatement demandé, soupçonneuse.

-Absolument pas. » Lui ai-je répondu avec sincérité. Je l’ai vu inspirer profondément pour tenter de détecter un éventuel mensonge de ma part, puis, voyant que ce n’était pas le cas, elle a placé ses mains sur ses hanches.

-Qu’est-ce que tu veux alors ? » M’a-t-elle demandé, presque curieuse.

-Et toi qu’est-ce que tu veux ? » Lui ai-je astucieusement retourné la question. Elle a froncé les sourcils et j’ai rapidement repris la parole. « Parce que si tu veux conquérir la capitale et t’en faire ton territoire, nous avons le même objectif. Et ce serait dommage de ne pas en profiter pour faire alliance, histoire que ce soit plus simple pour tous les deux. »

Elle m’a fixé un long moment et je me suis demandé à cet instant si elle n’allait pas brusquement reprendre les hostilités, jusqu’à ce qu’elle finisse par me répondre.

-Et j’imagine que tu veux en être le seul roi ? »

Je lui ai fait un grand sourire.

-C’est une place que je veux bien partager. » Lui ai-je alors appris.

Et elle a pris le temps de m’observer avec intérêt de bas en haut.

-Je m’appelle Nathan. » Me suis-je enfin présenté.

Elle a attendu encore quelques secondes avant de me répondre.

-Anna. » A-t-elle fini par me dire avant de faire disparaître lentement ses lames dans son dos.

Anna…

J’ai immédiatement aimé ce prénom.

 

Par la suite, elle et son clan ont fini par s’installer avec le nôtre dans notre repaire. Nous nous sommes rapidement entendus sur un grand nombre de points avant que les premières divergences ne fassent leur apparition.

Elle ne voulait pas brûler les étapes, privilégiant la vie de ses éveillés sur ses objectifs et je n’étais pas toujours d’accord avec ce point de vue, les sacrifices étant parfois nécessaires pour parvenir à certaines fins.

Un jour, nous avons fini par nous engueuler franchement alors que nous ne parvenions pas à nous mettre d’accord sur notre conduite à tenir vis-à-vis d’un groupe assez important d’humains de la région.

-Faut qu’on parle Nathan. » M’a-t-elle dit d’un ton brusque avant de se retourner et sortir de la pièce que nous utilisions comme salle de réunion.

Je l’ai suivie, remonté au plus haut point, mais réservant ma colère pour le moment le plus propice, jusqu’à une pièce de stockage au sous-sol ou nous avions entreposé nos vivres. Un vieux bar était fixé à l’un des murs de la pièce avec quelques cartons posés dessus.

Elle l’a dégagé d’une pensée, poussant les réserves un peu plus loin sans en faire tomber un seul.

-Je ne me contenterais pas de… » Ai-je commencé, les sourcils froncés, une rage contenue dans la voix.

Lorsqu’elle s’est vivement approchée de moi, défaisant avec aisance la ceinture de mon pantalon et ouvrant avec nonchalance les boutons de ce dernier.

Ma surprise était telle que je n’ai pas réagi sur le coup.

-Mais qu’est-ce que tu fais ? » Lui ai-je demandé bêtement.

Elle s’est reculée de quelques pas.

-Tu veux que je te fasse un dessin ? » M’a-t-elle répondu en remontant sa jupe et en retirant une jolie culotte en dentelle.

Mon entrejambe s’est brusquement retrouvé au garde à vous.

Non. Pas besoin.

Je me suis approché d’elle l’asseyant sur le bar, une de mes mains sur le mur, l’autre dans le bas de son dos. Elle m’a descendu mon pantalon qui a fini sa course sur mes chevilles avant de saisir mes reins pour me pousser vers elle.

Alors que je la prenais, j’ai abaissé mon visage vers le sien pour l’embrasser.

Elle a posé un de ses doigts aux ongles vernis sur mes lèvres.

-Juste du sexe mon grand. » M’a-t-elle murmuré. « Rien d’autre. »

J’ai penché la tête sur le côté, plongeant mon regard dans le sien.

-Juste du sexe hein ? » Lui ai-je dit dans un souffle. « Comme vous voudrez Madame. »

Et ma colère s’est transformée en un désir irrépressible.

J’ai pris mon temps pour la satisfaire, attentif au moindre de ses gémissements alors que j’accélérais mes assauts répétés contre son bassin.

Jusqu’à ce qu’elle ait lâché un long cri de plaisir qui m’a donné l’autorisation de me laisser aller au mien.

Nous avons attendu une seconde, haletants, avant de nous séparer.

Elle s’est rhabillée rapidement et m’a donné une claque sur les fesses alors que je remettais mes vêtements.

-C’était pas mal. » M’a-t-elle lancé avec un petit sourire. Avant de se retourner et de sortir de la pièce.

Un rictus de carnassier s’est étiré sur mes lèvres.

Pas mal ?

Tu vas voir toi, la prochaine fois que je suis entre tes cuisses si c’est seulement pas mal

C’était la première fois d’une longue série.

Chaque fois que nous avions un différent, ce qui arrivait presque systématiquement lorsque nous devions prendre une décision, les négociations se finissaient dans une pièce à l’écart, pubis contre pubis.

Mais c’était toujours Anna qui décidait du lieu et du moment de nos ébats, et j’ai rapidement compris que c’était un moyen imparable pour elle d’avoir le dessus sur moi.

Alors j’ai fini par la prendre à son propre piège.

Nous avions eu une énième dispute sur la façon d’augmenter notre territoire et je la suivais dans un couloir lorsque je lui ai brusquement pris le bras.

Surprise, elle n’a pas eu le temps ou peut-être, pas l’envie, de lutter, et je l’ai poussée sans ménagement dans la pièce qui me servait de chambre.

-Alors, comme ça, tu crois que c’est toi qui fais les règles maintenant ? » M’a-t-elle demandé, amusée, en croisant les bras sous son opulente poitrine.

Je lui ai sorti mon sourire ravageur.

-Je ne crois pas. J’en suis sûre. » Lui ai-je dit en faisant un geste discret de la main, utilisant ma télékinésie pour mettre en route la musique que j’avais préparée.

Elle s’est mise à rire alors qu’elle se rendait du compte du morceau que j’avais choisi.

-La mise en scène, c’est important tu sais ? » ai-je tenté de me justifier.

Puis j’ai ignoré son amusement, sachant que dans peu de temps, j’allais le lui faire regretter et j’ai entrepris de la déshabiller, entièrement pour une fois.

Elle s’est défendue un peu, pour la forme, puis elle a fait de même avec moi.

Je l’ai ensuite poussée sur le matelas mais ai accompagné sa chute pour qu’elle atterrisse en douceur sur le dos. Puis je me suis nonchalamment allongé à côté d’elle, une main maintenant ma tête pour pouvoir la contempler à loisir, mon autre main lui caressant doucement les seins.

-Et c’est tout ce que tu proposes ? » M’a-t-elle demandé en haussant les sourcils. « Pour une fois que tu prenais les rênes, je m’attendais à quelque chose de plus… Bestiale. »

Je lui ai souri à nouveau, mystérieux.

-C’est parce que j’attends beaucoup de cette conversation. »

Elle a pris son air sévère.

-Il est hors de question qu’on les attaque Nathan. Ça ne ferait que des victimes inutiles de chaque côté. »

-Ah oui ? » Lui ai-je alors chuchoté, rapprochant ma bouche de son oreille et laissant lentement glisser ma main sur son corps.

Et j’ai exploré, avec beaucoup d’attention, cette partie désirable et érotique qui est bien trop souvent mise de côté par nous autres, les hommes.

Elle a tenté de me retenir et j’ai fait claquer ma langue en signe de dénégation lui maintenant alors les bras au-dessus de sa tête par les poignets, tandis que mon autre main reprenait ses activités.

-Tu sais que je pourrais facilement te faire regretter cette prise d’otage ? » M’a-t-elle dit, tentant certainement de reprendre le dessus en évoquant la supériorité de ses pouvoirs.

Je ne me suis pas laissé impressionner pour autant.

-Tu ne le feras pas. » Lui ai-je murmuré. « Et dans quelques minutes, c’est toi qui vas me supplier de t’achever. »

Elle n’a pas pu me répondre alors que ma main commençait à prendre son travail au sérieux.

Je l’ai observée alors que son plaisir montait par vague, la forçant à fermer les yeux, son dos se cambrant, ses muscles se raidissant à mon langoureux contact.

Je me suis à nouveau approché d’elle alors que j’insérais deux de mes doigts dans cette partie humide à souhait.

-Alors cette négociation ? » Lui ai-je demandé d’une voix chaude.

-Je t’en prie Nathan… » M’a-t-elle supplié alors que je lui refusais son orgasme m’amusant comme un fou à la caresser tout autour sans jamais repasser là où elle le voulait.

Elle s’est remise à gémir alors que je reprenais mon lent va-et-vient avec mon doigt, avant de passer à autre chose, à nouveau.

Elle s’est mordue la lèvre et j’ai ri devant sa frustration.

-Tu es un monstre Nathan. » A-t-elle lâché, le souffle court.

-Je sais… » Me suis-je contenté de lui répondre. « Alors ? Que penses-tu de mes arguments ? »

Et j’ai recommencé, profitant avec une pointe de sadisme de sa douce souffrance et de ses soupirs.

Elle n’en pouvait plus de la tension que je maintenais chez elle depuis de longues minutes et elle a fini par craquer.

-C’est bon Nathan, tu as gagné. » A-t-elle fini par murmurer d’une voix rauque. « Je t’en supplie… »

Et c’est avec une intense satisfaction que j’ai écouté ses gémissements se muer en un puissant cri de plaisir alors que je lui donnais enfin ce qu’elle désirait depuis le début.

Je me suis rapidement placé au-dessus d’elle, ne lui laissant pas le temps de reprendre son souffle et je l’ai pénétrée avec force, augmentant encore l’intensité de sa jouissance.

Puis je l’ai embrassée à pleine bouche pour la première fois.

 

Notre relation n’a plus été tout à fait la même à partir de ce jour-là.

L’attaque que m’a accordée Anna, n’a pas eu exactement les effets escomptés. Mais je suis tout de même parvenu à limiter la casse tout en m’appropriant une partie du matériel militaire de pointe qu’avait récupéré ce groupe d’humain.

-Alors ? C’était une si mauvaise idée ? » Lui ai-je demandé alors qu’elle inspectait notre butin.

Elle a soupiré.

-Je ne suis toujours pas sûr que ça en valait la peine. »

J’ai levé les yeux au ciel.

-Que te faut-il pour te satisfaire mon cœur ? » Je lui ai demandé, exaspéré.

Elle m’a lancé un regard qui voulait tout dire.

-Viens. » M’a-t-elle invité à la rejoindre.

Et je lui ai obéi.

Comme toujours.

 

Je me souviens de cette fois, dans notre chambre.

L’une des dernières.

Nous nous étions disputés à propos de Greg, ce sujet revenant de plus en plus fréquemment sur le tapis à mesure qu’il perdait peu à peu le contrôle de ses pulsions.

-Il faut que tu t’en sépares Nathan. » M’avait-elle dit une énième fois. « Il devient incontrôlable. »

J’ai soupiré.

-Il n’est pas parfait c’est vrai… » Lui ai-je répondu, tentant ainsi de l’amadouer. « Mais on ne peut pas se permettre de perdre une telle capacité. Tu imagines reprendre Paris sans lui ? Sans toutes les informations qu’il ne cesse de nous apporter ? »

Elle m’a fixé d’un regard dur.

-Oui Nathan. » M’a-t-elle répondu d’un ton brusque. « Je l’imagine très bien. En fait c’est de cette façon que je l’imagine et pas autrement. »

Une colère sourde m’a soudain fait forcer la voix.

-C’est mon éveillé Anna. » L’ai-je prévenue en m’avançant vers elle. « C’est moi qui décide de ce que j’en fais. »

-Alors prends la bonne décision Nathan. Ou c’est moi qui vais finir par la prendre à ta place. »

Nous sommes restés ainsi une minute à nous jauger avant de nous jeter sauvagement l’un sur l’autre, nos bouches s’unissant dans une étreinte animale.

Elle m’a poussé à l’aide de sa télékinésie contre le mur avant de rapidement me rejoindre et d’ôter ma ceinture.

Je me suis laissé faire alors qu’elle descendait au niveau de mon entrejambe, libérant mon membre de mes vêtements pour le placer, avec une pointe de colère, dans sa bouche.

J’ai lâché un râle d’extase alors que sa langue s’acharnait à en découvrir les moindres recoins. Puis je l’ai brusquement prise par les bras pour la relever. J’ai fini de me déshabiller et elle en a fait de même avant que je ne la pousse vers une commode et que je ne la retourne de façon à ce qu’elle soit dos à moi.

Elle s’est appuyée sur le meuble et j’ai lentement caressé les cicatrices de sa colonne vertébrale avant de les lécher de bas en haut, repoussant avec délicatesse ses longs cheveux blonds que j’avais libéré de leur chignon trop sophistiqué.

-C’est dangereux pour toi… Cette position… Nathan… » M’a-t-elle dit avec amusement, d’une voix déjà haletante, alors que je finissais mon trajet sur sa gorge, la mordillant légèrement.

-J’aime prendre des risques. » Lui ai-je lâché, ma voix rauque d’excitation alors que je guidais mon sexe dans le sien.

Elle s’est cambrée lorsque je l’ai prise et je n’ai cessé mes mouvements qu’après avoir reçu un intense cri de jouissance en récompense. Mais je ne me suis pas contenté de cette position ce jour-là.

Nous avons poursuivi nos activités dans le lit, elle, au-dessus de moi, puis moi, au-dessus d’elle.

Et c’est à cet instant qu’elle me l’a avoué.

Je l’ai vu chercher mon regard alors que je ralentissais mon va-et-vient entre ses hanches pour lui laisser le temps de récupérer avant de m’activer à nouveau.

-Je t’aime Nathan. » M’a-t-elle soudain murmuré de sa voix la plus désirable.

Cet aveu a failli m’empêcher de continuer.

Ce n’était pas la première fois que ça m’arrivait, que mes conquêtes m’avouent leurs sentiments pour moi dans ce genre d’instant et je savais exactement quoi faire.

Je m’apprêtais à lui répondre de mon habituelle fausse sincérité, pour la rassurer et nous permettre de terminer nos ébats si bien débutés.

Lorsque les mots se sont brusquement retrouvés coincés dans ma gorge.

Je l’ai vu attendre avec espoir une réponse qui ne venait pas.

Et je ne me suis jamais senti aussi mal de toute ma vie.

Je ne peux pas… Pas avec elle…

Parce que, pour la toute première de fois de ma vie, elle n’était pas la seule à ressentir ce précieux sentiment.

Alors, pour camoufler mon malaise, je l’ai embrassée férocement, avec toute la haine que je ressentais contre moi-même à cet instant.

Et j’ai passé l’heure suivante à la faire crier plus que jamais.

 

Deux jours après, Greg a perdu les pédales.

Cet idiot a attaqué une éveillée d’Anna. Celle qui était chargée de s’occuper des esclaves. Cette éveillée n’avait pas une grande importance, étant plus une gêne qu’autre chose selon moi, mais peu importe.

Anna n’a pas supporté.

-JE VAIS TRANCHER MOI-MÊME LA TÊTE DE CET ENFOIRÉ ! » S’est-elle exclamée, hors d’elle lorsque nous avons appris la nouvelle par son téléporteur. Mathias s’étant bien gardé de le lui dire même s’il était au courant, puisque c’est lui qui l’a empêché d’aller trop loin.

-Attends Anna… » Ai-je tenté de l’apaiser.

Sans grand succès.

-IL N’Y A PAS DE ‘ATTENDS ANNA’ ! SOIS-TU LE BUTES SOIT C’EST MOI QUI LE FAIS ! »

J’ai froncé les sourcils et ai tenté de reprendre le dessus.

-Elle n’est pas morte ton éveillée il me semble ! » Ai-je répliqué. « Qu’il soit puni oui ! Mais de là a le tuer ! »

Elle m’a lancé un regard glacial et s’est éloignée de quelques pas. J’ai soutenu son regard même si je n’en menais pas large.

-C’est ta dernière chance Nathan. » M’a-t-elle prévenu. « Si tu ne t’en occupes pas, tu peux dire adieu à notre alliance. »

J’ai serré les mâchoires mais je n’ai pas vraiment cru qu’elle irait jusque-là.

J’aurais dû.

 

-Je crois qu’on a un gros problème. » M’a interrompu Mathias après s’être téléporté juste à côté de moi alors que je faisais les comptes de munitions dans notre salle de stockage.

-Quoi ? » Lui ai-je demandé déjà bien énervé par le fait qu’Anna me refuse son lit depuis notre dernière dispute.

-Il faut qu’on se tire d’ici Nathan… » M’a-t-il dit d’un ton urgent. Je me suis levé et ai tenté de rejoindre la porte pour comprendre ce qui se passait à l’extérieur mais il s’est placé devant moi pour me retenir. « N’y va pas putain ! Elle attend que ça ! »

Je l’ai poussé brusquement et suis sorti en trombe pour rejoindre la pièce principale.

Ou l’ensemble du clan d’Anna ainsi que le mien semblait m’attendre.

Puis j’ai vu le corps de Greg étalé au sol, une belle bosse à l’arrière du crâne.

-Tient ! Nathan ! Justement, on t’attendait ! » M’a annoncé Anna sans attendre, en me fixant d’un regard froid.

Un regard qu’elle n’avait jamais pris avec moi.

-Je peux savoir ce qui se passe ? » Ai-je demandé en jetant un bref coup d’œil vers le corps inanimé de Greg.

Certains des éveillés présents se sont mis à rire. Y compris parmi mes propres rangs.

Mais même à cet instant, jamais je n’aurais imaginé ce qui allait suivre.

-Il se passe que j’annonce notre rupture. » M’a-t-elle alors expliqué. De nouveaux rires ont parcouru l’assistance. « J’ai demandé à tes éveillés quel parent ils souhaitaient garder et ils ont choisi l’attachement maternel. » Elle a eu un regard dégoûté vers Greg. « Tu m’excuseras mais je n’ai pas posé la question à ce consanguin. Je pense qu’il sera très bien avec son père. » Elle a fait ensuite un signe de tête vers une personne derrière moi et je me suis retourné pour découvrir Mathias, le visage crispé. « J’imagine que tu veux continuer à le suivre aussi Mat ? Tu es conscient de ne pas faire le bon choix ? »

Il a serré les poings mais a préféré garder le silence tout en tournant légèrement les yeux vers moi.

Je me suis à nouveau tourné vers Anna.

-Ne fais pas ça Anna… Tu pourrais le regretter… » L’ai-je prévenu en parlant lentement, me préparant déjà à son attaque.

Elle a eu un éclat de rire sans joie.

-Je prends le risque Nathan… Mais ne t’en fais pas, je ne comptais pas te laisser partir sans te dire adieu. » Elle s’est lentement approchée de moi jusqu’à se trouver à tout juste un mètre de distance. « Et puis j’aimerais garder quelque chose de toi en souvenir. » Elle a lentement fait glisser son regard sur moi de bas en haut. « Pourquoi pas un de tes doigts ? »

J’ai serré les poings à cet instant.

Qu’elle cherche à m’évincer, pourquoi pas. Qu’elle retourne mes propres éveillés contre moi, passe encore.

Mais qu’elle aille jusqu’à m’humilier de la sorte…

-Tu fais une grosse erreur Anna… » Lui ai-je dit sombrement.

Elle m’a souri à nouveau d’un sourire si loin de ceux que j’ai connus.

-Mais je ne suis pas un monstre Nathan. » M’a-t-elle alors répondu. « Tu peux choisir celui qui te semble le plus inutile. Je ne vais pas faire la fine bouche. »

J’ai lentement secoué la tête.

-Anna… »

-Je comprends. » M’a-t-elle brutalement coupé. « Le choix est difficile hein ? Alors je vais le faire à ta place. »

Et quatre éveillés, deux de son clan et deux du mien se sont brusquement avancés vers moi.

J’ai tenté de les repousser à l’aide de ma télékinésie mais elle a dévié mes attaques, et lorsque Mathias s’est téléporté à côté de moi pour m’emmener avec lui, elle a brusquement envoyé deux de ses lames pour l’empêcher de me toucher.

-Reste en dehors de ça Mat. » Lui a-t-elle dit. « Ça m’ennuierait vraiment d’avoir à te tuer. Surtout que je ne désespère pas que tu te rendes compte de ton erreur un jour. »

Il n’a pas eu le choix et s’est éloigné, passant au second plan dans la foule.

Les quatre éveillés, dont Richard et Catherine m’ont fait mettre à genoux et ont déplié ma main droite de force, la plaçant à plat sur le sol.

-Vas te faire foutre Anna. » Ai-je lâché.

-C’est déjà fait mon cœur. » M’a-t-elle répondu sans détour. « Tu as été un bon amant, il n’y a pas de doute là-dessus. Mais le sexe ne fait pas tout dans une relation. »

Et elle a abattu ses lames sur ma main.

Je suis parvenue à dévier la première, mais la deuxième m’a tranché net le petit doigt.

Je n’ai pas pu retenir mon cri, de douleur et de haine mêlé tout en fixant ce morceau de chair qui désormais ne m’appartenait plus.

Ses éveillés m’ont relâché et je me suis relevé en me tenant la main dont un épais filet de sang s’en échappait encore par giclée.

-Maintenant pars. » M’a-t-elle ordonné sans plus une seule once d’humour dans la voix. « Et si tu laisses Greg ici, tu sais ce qui va lui arriver. »

Je l’ai fixée pendant un long moment il me semble avant de faire un court signe de tête à Mathias pour qu’il récupère l’un de mes derniers alliés.

Il a serré les dents, luttant contre lui-même pour sauver la vie de Greg et le placer sur son épaule comme un vulgaire sac avant de me suivre jusqu’à l’extérieur du bâtiment.

 

Nous avons erré pendant un moment par la suite, nous éloignant de plus en plus de ma ville pour nous perdre dans de sombres trous à rats de France.

Jusqu’à ce qu’un jour, une rencontre fortuite avec deux humains nous apprenne l’existence de mon futur instrument de vengeance.

J’ai soigneusement préparé mon plan. Mathias n’y croyait pas un instant mais moi, j’étais persuadé qu’il allait marcher. C’était écrit. Je devais rencontrer cette éveillée. Ça ne pouvait pas se passer autrement.

Nous avons tout de même perdu Paul, notre plus récente recrue. Mais le principal était sauf et j’allais bientôt pouvoir accomplir mon projet.

Alors que nous l’attendions avec Greg dans les ruines d’un château un peu en hauteur, il m’a confirmé qu’elle était bien arrivée à destination et je l’ai rappelée.

Elle a décroché assez rapidement.

–Bien, parfait ! » Me suis-je exclamé définitivement rassuré par le fait qu’elle m’obéissait déjà au doigt et à l’œil. « Charmant comme endroit tu ne trouves pas ? Je ne suis pas de la région j’avoue mais je trouve que ça a un certain cachet. Tu peux ranger tes lames, tu n’en auras plus besoin chérie. »

J’ai attendu ensuite une minute, le temps pour les insectes de Greg de se relayer les informations et de nous les transmettre.

Greg a hoché la tête avec un grand sourire, m’indiquant qu’elle avait suivi mes ordres une fois de plus.

L’éveillée s’est impatientée devant mon silence.

-Et maintenant ? » M’a-t-elle sèchement demandé.

Je me suis tendu légèrement mais ai conservé mon sourire pour qu’elle ne s’en rende pas compte, même au travers du téléphone.

Si elle suit ce dernier ordre alors…

Alors il est clair qu’elle me suivra jusqu’à Paris. Et qu’Anna n’a plus aucune chance.

-Ah, juste une dernière chose pour que notre entrevue se passe au mieux. » Lui ai-je dit en conservant mon ton enjoué. « Je voudrais que tu te casses un doigt. » J’ai entendu sa respiration s’arrêter une seconde. « Je te laisse le choix, à droite ou à gauche, l’annulaire ou le majeur, prends celui que tu veux je ne suis pas difficile. Mais fais ça bien s’il te plaît, j’aimerais l’entendre craquer d’ici, et je ne suis pas tout à côté. »

Sa respiration s’est ensuite accélérée et j’ai compris sans avoir besoin de Greg et de ses informateurs qu’elle allait le faire.

Cette fois, c’est avec une joie sincère que je l’ai encouragée à poursuivre.

-Allez, courage, ça ne dure pas longtemps… » Puis j’ai attendu encore quelques secondes avant d’ajouter « On y va, on y va ! »

Et à travers le téléphone, j’ai entendu son doigt se briser.

J’ai éclaté d’un rire franc.

Elle l’a fait !

Et elle est à moi maintenant.

-Parfait chérie ! » L’ai-je félicitée. « Maintenant, si tu veux nous rejoindre, nous t’attendons au château. »

Et j’ai raccroché.

Je l’ai attendu, caché derrière les ruines, avec une certaine impatience. Greg aussi n’en pouvait plus. Mais c’était pour une tout autre raison.

Il allait être vraiment déçu dans quelques minutes.

J’ai senti sa présence et sans même la voir, je savais où se trouvait sa main. Ma télékinésie était sans doute moins puissante que la sienne mais elle était extrêmement précise et j’avais une faculté de perception des mouvements particulièrement développée par rapport à mes congénères.

Je suis parvenu à choquer sa main blessée sans qu’elle ne puisse me contrer et elle a lâché un cri aigu. J’ai retenté presque immédiatement mon coup histoire de savoir à quel point j’avais inhibé ses pouvoirs.

Elle est parvenue à le déjouer malgré la douleur.

Ce qui m’a surpris et un peu inquiété sur le coup. Puis je me suis rappelé que c’était moi qui détenais les règles du jeu.

J’ai souri à Greg et nous nous sommes tous les deux avancés vers elle.

Je n’ai pas été déçue lorsque je l’ai vu.

Surtout lorsqu’elle a retiré une partie de ses vêtements dans l’église.

J’ai lâché un sifflement d’admiration lorsqu’elle s’est effeuillée avec une certaine grâce malgré sa colère, et qu’elle a mis à jour l’ensemble de ses cicatrices.

Qui prenaient la quasi-totalité de la surface de son corps.

Je n’en revenais pas.

Anna ne ferait pas le poids.

-T’as pas fini… » a brusquement lâché Greg, interrompant ma contemplation.

Je me suis retenu de l’envoyer balader. Et dire que cet imbécile ne pensait qu’à se vider les couilles et à satisfaire ses instincts sadiques.

Ce type n’a jamais rien compris à rien.

Je lui ai fait fermer sa gueule une première puis une deuxième fois lorsqu’il a tenté d’insister. Il était hors de question qu’il abîme mon arme. Pas tant que je n’aurais pas eu ce que je voulais.

Et même après…

J’ai commencé, à cet instant, alors que je lui expliquais tranquillement la raison de l’enlèvement de ses gosses, à envisager de la séduire durant le voyage.

Après tout, au-delà du fait qu’elle représentait un avantage indéniable en termes de stratégie, elle n’était pas trop mal non plus. Je préférais les femmes avec un peu plus de formes habituellement mais je pouvais m’adapter.

Je savais que ça n’allait pas être facile. D’une part, à cause des conditions de notre rencontre, qui n’étaient clairement pas en ma faveur, d’autre part, parce que je n’avais jamais vu une fille aussi frigide de toute ma vie.

Mais ‘à cœur vaillant, rien d’impossible’.

Et j’ai toujours été un assez bon séducteur.

Il allait juste falloir… Que je prenne mon temps. Instillant doucement quelques bribes de sensualité, par petites touches.

J’étais certain d’y parvenir.

 

J’entends sa nuque se briser et je fixe un instant ma nouvelle alliée sans comprendre.

Non… Elle n’a pas fait ça…

Je me retourne vers le visage d’Anna, ses yeux entre ouverts sont fixes et la lueur qui y brillait encore quelques minutes auparavant s’est éteinte.

Je saisis son menton dans ma main libre et fais doucement pivoter son visage de droite à gauche.

Putain…

Elle l’a fait…

Une rage inouïe me monte à la tête et je me relève d’un coup.

-PUTAIN ! TU FAIS CHIER AMBRE ! » Je lui hurle, hors de moi.

Si je n’avais pas été certain qu’elle parvienne facilement à me contrer, je lui aurais probablement réservé le même sort qu’à ma femme qui gît désormais sans vie sur le sol. À quelque chose près en tout cas.

Je tire sur ma cigarette comme un fou pour m’aider à me contrôler.

-Tu m’as demandé de faire un choix. Je l’ai fait. » Ose-t-elle me répondre avec un calme olympien qui ne contribue pas vraiment à m’apaiser.

Je regrette presque de n’avoir pas laissé Greg lui faire comprendre qui était désormais son maître.

Je marche vivement autour du seul cadavre qui compte à mes yeux, pour tenter de revenir à la réalité.

Mais j’ai tout de même une dernière chose à faire avant de tourner la page.

-Je n’avais pas fini ! Merde ! » Je lâche d’un ton légèrement plus calme, puis je m’agenouille auprès d’Anna.

Si je n’ai pas été très respectueux durant sa séance de torture en fumant juste à côté d’elle alors qu’elle déteste ça, je décide de l’être un peu plus bien qu’elle ne ressente plus rien.

C’est un peu contradictoire comme comportement mais maintenant que je la vois, comme ça, si vulnérable, sans ce petit air supérieur qu’elle prenait toujours lorsqu’elle s’adressait à moi…

J’ai l’impression de la retrouver lors de nos ébats amoureux et qu’elle laissait tomber, pour moi, toutes ses défenses.

Je ne l’ai jamais autant aimé qu’à ces instants.

Je jette les restes de mon mégot au sol et respire lentement à plusieurs reprises, autant pour reprendre totalement le contrôle de mes émotions que pour chasser un maximum le goût de la cigarette qui me reste en bouche.

Je m’approche encore de son visage, plaçant le mien à quelques centimètres seulement du sien.

-Nous aurions pu faire de grandes choses ensemble… Si tu l’avais voulu. » Je lui chuchote tendrement.

Puis je l’embrasse une dernière fois. Un baiser doux, sincère…

Quelque chose que je n’aurais jamais pu retrouver de son vivant.

Je me redresse lentement, par respect pour cet instant. Ambre s’était détournée, peut-être pour nous laisser un peu d’intimité mais elle se retourne immédiatement vers moi lorsque je suis à nouveau debout.

-Anna est morte. Tu as eu ta vengeance. » Conclu-t-elle d’un ton froid et sans cœur. « Alors maintenant je veux parler à Cat et Bastien et vérifier qu’ils sont bien vivants. Et il n’y a pas de négociation possible. »

Je la fixe un moment.

Putain… Elle et ses foutus mômes.

Il va falloir que je trouve un moyen de les lui sortir de la tête. Hors de question qu’on s’occupe à vie de ses gamins.

Mais peu importe, il est encore un peu tôt pour ça…

Je prends mon téléphone et compose le numéro de mes acolytes.

-Attends-moi un instant. »

Je préfère ne pas me tenir trop près d’elle au cas où, par malchance, ces deux imbéciles ne répondent pas immédiatement.

Je me retiens de soupirer de soulagement lorsque la voix de Greg retentit dans le combiné.

-Ouais ? » Me dit-il simplement.

J’aurais préféré que ce soit Mathias qui me réponde, mais peu importe. Du moment qu’il passe le téléphone aux gosses.

-Anna est morte. » Je l’informe. « Passe-moi les gosses. Elle veut leur parler. »

Il laisse un court temps de silence et je me demande s’il m’a bien entendu, mais il finit par me répondre.

-C’est bon. » Lâche-t-il avec, peut-être, un brin d’hésitation.

Je mets ensuite le téléphone sur haut-parleur pour pouvoir suivre la conversation et l’arrêter le moment voulu, puis je tends le combiné à Ambre.

-Vas-y chérie c’est à toi. » Je lui annonce.

Elle ne semble plus aussi à l’aise d’un coup et je me retiens de sourire.

-Bastien ? Cat ? » Appelle-t-elle d’une voix faible.

Puis j’entends la réponse de Bastien.

Et mon sang se fige instantanément.

-Ambre ? »

Cette voix, ce ton…

L’enregistrement… C’est le putain d’enregistrement qu’a fait ce débile mental de Greg et qu’il vient stupidement de passer…

Bordel de merde.

Mais qu’est-ce qu’il en a fait putain ?! Je lui avais interdit de s’en approcher !

Et au fond de moi, je réalise qu’Anna avait raison depuis le début. Comme Mathias avant elle.

J’aurais dû l’éliminer… Il y a longtemps déjà…

Je tente de conserver un visage neutre malgré une étrange sensation de mort imminente qui me conduit inutilement à revoir Anna lorsqu’elle m’attendait, désirable, dans notre lit.

Ambre a immédiatement senti mon stress et ses pupilles remonte lentement jusqu’à croiser mon regard.

Ses iris, d’un bleu intense, semblent particulièrement froides et vides lorsqu’elle reprend la parole.

-Dis-moi Bastien. Qu’est-ce que tu me répétais toujours quand tu es arrivé chez moi ? » Lâche-t-elle d’un ton glacial.

Putain.

Elle sait.

Elle sait et je suis un homme mort.

Greg met plusieurs insoutenables secondes à relancer l’enregistrement.

-Ambre ? » Répète la voix de Bastien, à l’identique.

Ambre me fixe toujours, et je connais bien ce regard

-Attends… Ce n’est pas ce que tu crois… » Je me mets à bégayer, espérant vainement qu’elle prendra le temps de m’écouter. Après tout, nous nous étions un peu rapprochés…

Elle ne peut quand même pas m’éliminer comme ça…

Les lèvres d’Ambre bougent et annonce ma sentence mais ce n’est pas sa voix qui me parvient, mon cerveau choisissant le timbre doux et confortable d’Anna à la place.

« Je t’aime Nathan. » M’avoue-t-elle d’une voix terriblement sensuelle.

-Non ! Attends ! Ambre, Écoute-moi deux secondes… » Parvins-je à articuler, mon esprit perdant pied.

Je saisis mon arme dans un espoir futile mais Ambre m’envoie déjà ses lames qu’elle n’avait pas pris la peine de rentrer.

Des lames…

Je parviens à dévier l’une d’entre elle.

Comme Anna.

Et je lui réponds en pensée ce que j’aurais dû lui répondre ce jour-là.

« Je t’aime aussi Anna. »

 

Musique : wicked game, Chris Isaak