Chroniques du clan
Iris
Qu’est-ce que c’est que ça encore ?!
Je lève la tête vers les enceintes qui nous apportent la voix plus que sensuelle de Christophe Isaak.
Ça fait longtemps qu’Anna ne nous a plus fait passer de musiques par ce système. C’était plutôt le délire de Nathan, ce genre de chose, lorsque l’on vivait encore dans ce trou à rats de discothèque.
-Qu’est-ce que ça veut dire Iris ? » Me demande Ophélie, l’une des esclaves humaines qui sert notre clan depuis quelques mois.
Je hausse les épaules.
-Laisse. » Lui dis-je, rassurante, en me reconcentrant sur ma tâche. « Je finis ton pansement et je vais voir. »
Je m’applique à lui bander la jambe pour faire tenir les compresses sur les brûlures qui lui marquent désormais la cuisse.
Je me retiens de râler devant le comportement pervers et sadique de certains de mes semblables. J’ai déjà essayé à plusieurs reprises de faire entendre raison à Anna là-dessus, mais le seul qu’elle ait finalement éjecté, c’est ce taré de Greg.
Avec Nathan au passage.
Et Mathias…
Je l’aimais bien celui-là. Bien qu’on n’ait jamais vraiment eu l’occasion de parler. Disons qu’il avait l’air un peu moins bête que les autres.
Et puis, c’est quand même lui qui m’a sauvé de Greg cette fameuse fois…
Je secoue la tête en me souvenant de mon agression. J’ai plus ou moins l’impression de m’être éteinte depuis, comme si le fait d’avoir eu moi-même à faire à la perversion m’avait complètement anesthésiée.
Des coups de feu et un énorme bruit retentit soudain plusieurs étages au-dessus.
Nous levons tous la tête vers le plafond en réflexe.
-Ils se font attaquer… » Murmure Ophélie d’un ton mi-angoissé, mi-joyeux à l’idée qu’une partie de ses bourreaux se fassent éliminer durant le combat.
Je me redresse, lui laissant le soin de fixer son bandage, puis je me dirige vers la porte.
Je l’entre-ouvre et entends d’ici l’un des membres de l’ancien clan de Nathan se mettre à hurler.
-A L’AIDE ! C’EST UNE ATTAQUE ! »
Le bruit de sa course s’atténue rapidement tandis qu’un autre bruit de pas, plus ténu celui-là, semble le suivre.
Et je n’ai pas besoin de m’en approcher pour comprendre qu’il s’agit de son poursuivant.
Je referme avec précaution la porte et rejoins les humains qui attendent mes nouvelles avec angoisse.
-On va attendre que ça se tasse et j’irais voir après si on peut sortir. » Leur dis-je en gardant mon calme.
J’espère qu’Anna n’aura pas trop de difficulté à les repousser. Les membres de mon clan ont tendance à venger leurs défaites sur mes esclaves.
Et je ne peux pas faire grand-chose pour les en empêcher.
Je m’installe à côté de la porte et guette le bruit du combat, mais un silence oppressant s’installe durant un long moment et je commence à croire que tout est fini.
Jusqu’à ce que les tirs reprennent.
J’entends vaguement quelqu’un hurler de très loin, puis c’est le silence à nouveau.
-Il ne pourrait pas être plus clair ?… » Je grommelle pour moi-même.
Je me relève et m’apprête à faire une nouvelle tentative pour sortir lorsque de puissantes salves de tirs se font entendre. Un bruit qui me fait vaguement penser à un assaut final.
Décidément…
Ils ont l’air féroce ces ennemis…
C’est vrai qu’Anna semblait inquiète aujourd’hui. Elle a rappelé tout le monde pour je ne sais quelle raison…
Mais à moi, on ne dit jamais rien.
J’attends, que les tirs cessent. Mais même une fois le silence enfin revenu, je patiente encore un bon moment.
Il y a bien quelqu’un qui va finir par se souvenir qu’on existe et par nous dire ce qui se passe ?!
J’ouvre la porte, regarde prudemment à l’extérieur et tente même une sortie.
Lorsque j’entends à nouveau des pas dans l’escalier accompagné d’un bruit étrange comme si on déchirait quelque chose de dur.
Je fronce les sourcils, intriguée mais choisis de rester immobile jusqu’à ce que la personne se soit éloignée.
Puis je sors enfin de ma cachette.
Lorsque j’arrive au niveau des escaliers, je remarque tout de suite que les murs portent de profondes lacérations. Je regarde en haut puis en bas sans trouver signe d’un quelconque membre de mon clan et je finis par me résigner à descendre moi-même chercher les informations.
Je descends un premier pallier et m’arrête net devant les cadavres de trois éveillés.
Tous faisaient partis du clan d’Anna.
J’avale ma salive.
Bon sang… Mais qu’est-ce qui s’est passé ?
Je poursuis ma progression et rejoins le rez-de-chaussée. Les portes grandes ouvertes menant à la salle de conférences m’indiquent la route à prendre et je m’y dirige aussi discrètement que possible.
Le cadavre nu et sectionnée de l’un des téléporteur d’Anna me saute aux yeux et je ne peux m’empêcher de plaquer ma main sur ma bouche, horrifiée par le spectacle.
Je me retourne, détournant les yeux de cette horrible vision.
Et découvre la salle de conférences et son estrade.
Entourée de corps.
J’avance, comme attirée par ce spectacle macabre et mon regard tombe sur celui d’Anna, au centre de la pièce.
Oh non…
Je n’ose pas m’avancer plus.
Alors que je m’apprête à faire demi-tour, prise d’une soudaine nausée, je tombe sur un corps particulièrement détruit, morcelé, comme si on s’était acharné dessus avec une tronçonneuse.
Ou plutôt une épée. Une épée particulièrement tranchante…
Je ressors en courant de la pièce et vomis les quelques biscuits apéritifs que j’avais picorés cette nuit pour me tenir éveillée.
Je me tiens à la rambarde de l’escalier, courbée en deux pour reprendre mon souffle.
Je ne sais pas qui nous a attaqué…
Mais il est clair qu’ils n’ont pas laissé beaucoup de témoins.
Ce qui fait que je n’ai personne à qui m’adresser pour savoir ce qu’il s’est passé ou ce que je dois faire maintenant.
Est-ce que je commence par enlever les cadavres ? Nettoyer les sols ? Remettre en…
J’ai un brusque temps d’arrêt.
Mais…
S’ils sont tous morts…
Alors…
Je suis libre ?
Libre ?!
Libre !
Un immense sourire, que je croyais avoir perdu depuis longtemps, inonde mon visage.
Je suis libre !
Et mon vieil enthousiasme envahit à nouveau mes veines, me faisant improviser une dance de la victoire autour de la flaque jaunâtre que j’ai moi-même réalisée quelques minutes auparavant.
Et si moi je suis libre…
Alors mes copains humains aussi !
Je m’élance dans les escaliers pour leur annoncer la bonne nouvelle.
Je cours, grimpant les marches deux par deux et rejoins la porte de leur prison en volant.
Je l’ouvre en grand, hors d’haleine.
-ON RENTRE A LA MAISON ! » M’écrié-je devant leurs regards surpris et terrifiés.
Tout de même…
Ils pourraient faire preuve d’un peu plus d’entrain pour cette nouvelle !
-PUTAIN VALENTIN ! RAPPELLE TA SALOPERIE ! » Hurle Mathias de derrière un buisson.
Je sens Valentin sursauter à côté de moi, faisant tomber sa fourchette au sol et je me retourne en levant les yeux au ciel pour lui faire comprendre qu’il n’a pas à s’en faire.
-Si tu parles de Bastet, Mat, je te signale que c’est une chatte et qu’elle a des sentiments. » Je lui réponds posément. « Alors évite de la traiter de saloperie. » Il sort des fourrés précipitamment tout en remontant sa braguette. « Non mais Mat ! Tu ne pouvais pas te rhabiller quand t’étais encore là-bas ?! »
Je le fixe, outrée qu’il se comporte pire qu’un homme des cavernes.
-Des sentiments… » Lâche-t-il en haussant les sourcils et en ignorant totalement ma dernière remarque, puis il se tourne vers Valentin. « Et je peux savoir à quoi ta bestiole pense quand elle s’assied devant moi et qu’elle me regarde pisser pendant 5 minutes ? »
Bastet choisit cet instant pour nous rejoindre et s’étirer longuement à moins d’un mètre de Mathias.
Il s’en rend compte avec un temps de retard et s’en éloigne brusquement, choisissant de s’installer à plus de trois mètres de distance.
Mais quelle fillette !
Et moi qui le croyais tellement fort et imperturbable…
La chute d’un mythe.
J’ai eu du mal à y croire lorsque nous l’avons trouvé avec Valentin et qu’il a tenté de nous voler nos vivres en prétextant les avoir honnêtement gagnés.
Et pourtant…
Mathias…
C’était bien lui ce jour-là, alors que j’étais encore dans le clan d’Anna. Je revois son dos et l’arrière de son crâne lorsqu’il m’a sauvé de Greg et de ses pulsions bizarres. Il lui avait dit un truc du genre « Va voir ailleurs », quelque chose comme ça.
Puis il s’était retourné pour partir et son visage a marqué ma mémoire comme un tampon de la poste. Même si, lui, ne m‘a même pas adressé un regard ce jour-là.
D’ailleurs, il n’a pas vraiment l’air de se souvenir de moi.
Alors, évidemment, pour ne passer pour une imbécile, j’ai aussi fait semblant de ne pas le reconnaître.
Mais il faudra quand même que je prenne sur moi et que je le remercie un jour.
En attendant…
L’énergumène en question a fini par ouvrir une boîte de conserve et l’a entamé sans même prendre la peine de se laver les mains.
-Mais Mat ! Bon sang ! » Je râle et me lève pour chercher une fourchette parmi mes affaires. Je m’approche ensuite de lui d’un pas décidé et la lui tends alors que ses doigts sont déjà dégoûtants de s’en être servis comme couverts. Il me la prend en soupirant, l’air de me faire une fleur. « Tu te rends compte que tu manges avec des doigts qui ont tenu ta zigounette pleine de pipi y a pas dix minutes ? »
Il me fait un grand sourire.
-Je trouve que ça donne du goût… »
J’en frissonne d’horreur et retourne rapidement vers Valentin, bien plus civilisé.
-T’es vraiment crade Mat… »
Ma réaction le fait rire.
-Et les filles adorent ça… » Conclu-t-il en terminant sa conserve, avec sa fourchette, malgré ce qu’il me dit.
Je finis moi aussi ma propre assiette (puisque je suis quelqu’un d’éduqué et que manger dans des boîtes en alu rouillé ne me fait pas rêver) et observe Valentin alors qu’il donne une partie de son propre repas à Bastet.
Elle en dédaigne la majorité, ne s’intéressant qu’aux vrais morceaux de viande.
Elle, au moins, a plus de goût que l’autre individu là-bas…
Voyant que je l’observe, Valentin me sourit d’un air timide. Je le lui rends au centuple, lui adressant même un petit clin d’œil complice qui le fait immédiatement rougir.
Il est mignon celui-là, avec ses allures d’adolescents… J’ai tout de suite aimé son regard naïf lorsqu’il a levé les yeux vers moi pour la toute première fois.
Bon, c’est vrai que je l’ai un peu aspergé avec une bombe désodorisante sur le moment, mais c’était plus amical qu’autre chose…
Et, a priori, il ne m’en veut pas.
-Alors ? On va où au final ? » M’interroge soudain Mathias en essuyant ses mains sur son T-shirt de la veille.
Je me tourne à demi vers lui avec un petit sourire mystérieux sur le visage et le vois immédiatement lever les yeux au ciel face à mon comportement.
-On va rejoindre une amie. » Finis-je par lâcher, compatissante devant l’insoutenable sensation de suspens que j’ai dû créer chez lui.
Il hausse les sourcils.
-Une amie ? » Répète-t-il, surpris. « C’est aussi un bras cassé comme vous deux ? » Me demande-t-il ensuite.
J’écarquille les yeux d’indignation.
-On n’est pas des bras cassés ! » Je lui rétorque. « Tu n’as aucune idée de ce dont on est capable… »
Mais il balaie ma réponse de la main.
-C’est qui cette amie ? » Me demande-t-il avec un peu plus de respect.
Je laisse passer une petite minute de silence, histoire de lui faire comprendre que c’est moi qui accepte de lui répondre, et non pas lui qui m’y oblige.
-On l’appelle la grande éveillée. » Dis-je avec fierté. « Et elle est sacrément puissante. »
Cette fois, il prend un air franchement sceptique.
-La grande éveillée hein ? » Reprend-il encore comme un perroquet. « Et c’est quoi son pouvoir si puissant ? C’est une télékinésiste ?»
Je hausse les épaules, admettant mon ignorance.
-Je ne sais pas, mais vu qu’elle a massacré à elle toute seule la quasi-totalité de mon ancien clan… »
-Attends attends… » Me coupe-t-il en fronçant les sourcils, ses pupilles passant de moi à Valentin avant de revenir à moi. « Tu viens pas de dire y a deux secondes que c’était une amie ? »
Je lève les yeux au ciel, fatiguée qu’il ne se décide pas à comprendre l’évidence.
-C’est une amie par anticipation ! » Me résigné-je à lui traduire. « Les humains m’ont dit qu’on était faites pour s’entendre… »
Mais malgré mes explications, Mathias semble de plus en plus perdu.
-Des humains ?… » Il se frotte le front d’une main.
Je râle.
-Oui ! Des humains ! Contre lesquels mon clan était plus ou moins en guerre… »
Il toussote, plaçant sa main devant sa bouche comme s’il était à deux doigts d’éclater de rire.
-Donc… Si je résume… » Et il se racle la gorge, reprenant son sérieux. « Tu es en train de me dire que tu suis les conseils d’humains ennemis de ton clan, qui t’ont conseillé de rejoindre une éveillée… Assez puissante pour défoncer tous tes potes… Mais que tu considères quand même comme une amie parce que… Ces mêmes humains t’ont dit qu’elle était faite pour toi… » Et il mime les guillemets avec ses doigts avant de jeter un bref coup d’œil à Valentin. « Et tu penses sincèrement que c’est une bonne idée ? »
Je garde le silence une seconde.
Alors oui c’est sûr que…
Présenté comme ça…
Il se tourne vers Valentin.
-Et toi tu la suis ? » Lui demande-t-il. « En sachant tout ça ? »
Il y a un court temps de silence où je me demande brièvement si je n’ai pas fait une erreur en invitant Mathias à nous rejoindre, puisqu’il a visiblement décidé de casser mon clan tout neuf que je me suis évertuée à construire.
-Oui. » Réponds soudain Valentin, d’un ton assuré que je ne lui connais pas.
Je me tourne vers lui et lui adresse mon plus beau sourire.
-Lèche-cul. » L’insulte Mathias.
Je me retourne vivement vers ce dernier.
-Jaloux. » Je lui réponds du tac au tac. « De toute façon, tu peux bien dire ce que tu veux mais nous, au moins, on a un but et on sait où on va. »
Il lâche un éclat de rire franc que j’ai la dignité d’ignorer, puis semble réfléchir.
-Franchement, je crois que je vais vous suivre. » Finit-il par conclure. « Rien que pour voir de qui tu parles et, probablement, pour vous sauver la peau encore une fois… » Il se tourne vers moi avec un regard amusé et un petit sourire. « J’ai le droit à quoi si je te sauve la vie une deuxième fois Iris ? » Me demande-t-il d’un ton plein de sous-entendus.
Je le fixe avec le regard le plus dur que j’ai en stock mais, comme ça ne semble pas vraiment l’impressionner, je finis par lui faire un grand sourire.
-Demande à Val. C’est lui qui paie le prochain coup. »
Ce dernier s’étouffe alors qu’il finissait les restes de Bastet et Mathias éclate de rire.
-C’est bon Iris. T’as un ticket gratuit pour la prochaine fois. » Me répond-il.
J’apprécie qu’il n’insiste pas et lui sourit à mon tour d’une façon plus sincère.
Mais je ne risque pas d’oublier l’intérêt qu’il a manifesté envers moi…
Ah ! Mais bon sang ! Où est-ce qu’il est encore parti cet idiot !
Fichus téléporteurs ! Faut toujours qu’ils se barrent sans prévenir…
Après avoir fait quatre fois le tour de notre maison avec Valentin, je me résigne à remonter la rue pour le chercher dans celle d’Ambre.
-Pourquoi veux-tu qu’il vienne Iris ? » Me demande Valentin d’une voix hésitante. « Je peux t’aider moi tu sais… »
Je lui réponds tout en passant la grille de la maison d’Ambre.
-Evidemment que tu vas m’aider ! » m’exclamé-je. « Mais c’est toujours mieux d’avoir plusieurs avis ! »
Et je passe la porte d’entrée d’un pas décidé.
-MAAATHIAAAS ! » Je me mets à hurler, espérant que cet idiot va enfin pointer le bout de son nez.
Et dire qu’il ne m’a toujours pas reconnu cet imbécile… Il me sauve la peau, me plante sans rien dire avec une plaie de la taille de la Porte d’Aix dans le dos et quoi ?
Il ne se souvient même pas de moi ?
Soi-disant parce qu’il « évitait la plupart des autres éveillés »…
Mais bien sûr.
Et quand tu sortais, complètement débraillé, des salles de stockage dans cette discothèque, tu les évitais aussi peut-être ?
Et tu leur es rentré dedans par accident c’est ça ?
Je me demande bien pourquoi je l’ai aidé à prendre cette voiture. Qu’il a rendu en plus, sans rien dire à Ambre ce lâche.
Et par-dessus tout, il ose me faire faux bon à la soirée !
Non mais…
-MAT ! SORS TON CUL MAGNIFIQUE DE SA CACHETTE ! »
Je fais le tour de la maison, sans Valentin cette fois puisqu’il a préféré m’attendre sur le pas de la porte.
Je finis par descendre au sous-sol et le trouve, enfin, à demi-nu en train de faire des tractions dans la salle de sport d’Ambre, un casque sur les oreilles.
Il me tourne le dos et j’en profite pour m’avancer discrètement vers lui et lui pincer ses jolies fesses tout en associant une petite décharge pour le punir de m’avoir fait courir partout.
Il se téléporte instantanément à quelques mètres, laissant son casque tomber au sol avec son lecteur de musique, à l’emplacement où il se trouvait juste avant.
-Putain Iris ! » S’exclame-t-il en me faisant ses gros yeux. « Qu’est-ce que tu fous bordel ?! »
Je m’approche vivement de lui et lui prends le bras, tentant de le tirer hors de la pièce par la force.
-On est à J-3 Mat ! » Je lui réponds alors qu’il se dégage avec facilité. « Faut choisir les tenues ! »
Il m’adresse un geste sec de la main.
-Bah tu sais où elles sont ! Alors démerde-toi ! » Et il retourne devant sa barre de traction s’abaissant pour ramasser ses affaires.
D’un geste vif, je les lui récupère avant lui et m’éloigne de quelques pas.
-Putain Iris… » Râle-t-il en levant les yeux au ciel. « Tu peux pas juste me foutre la paix ? »
-Tu as une dette envers moi Mat ! » Je lui rappelle puisqu’il semble l’avoir oublié « Alors tu viens nous aider à les choisir ! »
-Tu plaisantes ?! Je t’ai déjà montré ou tu pouvais trouver tes putains de tenues ! Et c’est qui « nous » ? » Me demande-t-il réalisant le pluriel de ma phrase.
-Valentin a déjà accepté de m’aider lui. » Je lui apprends, ravie de pouvoir le rendre jaloux. « Allez Mat… Fais pas ta tête de mule pour une fois… »
Et je lui réserve mon regard le plus larmoyant, celui avec lequel je parviens toujours à faire craquer Victor.
Il soupire.
-Tu vas pas me lâcher hein ? » Me demande-t-il de façon rhétorique et je secoue lentement la tête en réponse. « Ok. » Finit-il par capituler. « Mais pas plus d’une heure Iris. J’aimerais finir ma séance avant qu’Ambre se pointe. »
Victoire !
Et je me mets littéralement à sautiller sur place tout en montant rejoindre Valentin.
-Et celle-là ? Elle est sympa aussi non ? Ça fait pas vulgaire ? »
Je me contemple dans le miroir en pied de la pièce, contrôlant l’aspect de mes fesses dans cette petite robe de soirée argentée particulièrement courte.
-Moi j’aime bien. » M’annonce Mathias en me reluquant l’air de rien.
-Ouais… » Hésite Valentin sans oser presque poser les yeux sur moi et rougissant à chaque fois qu’il le fait. « Ça te va bien… »
-Mais c’est pas pour moi ! » Je m’exclame, exaspérée qu’ils n’aient toujours pas compris. « C’est pour Ambre ! » Et je commence à retirer la robe devant eux, ignorant la gêne évidente de Valentin et le regard appréciateur de Mathias. « Je suis bien obligée de choisir pour elle ou elle va se ramener avec ses fringues dégueulasses… »
En sous-vêtements, je me mets à chercher parmi la pile d’habits que j’ai présélectionnée, les robes les plus prometteuses.
-Je veux pas te contrarier Iris. » Commence alors Mathias en regardant nonchalamment autour de lui. « Mais ça m’étonnerait que tu arrives à la convaincre de porter autre chose que ses pulls… »
Je lâche une exclamation de dédain.
-Ça se voit que tu ne me connais pas… »
Je finis par sortir une combinaison noire que je place devant mon propre corps, n’ayant pas vraiment envie de me fatiguer à la mettre.
-Ça, ça lui ira peut-être mieux… » Annonce immédiatement Valentin.
Je souffle de déception.
-Ouais, bah ce sera la proposition de la dernière chance… » Je lui réponds. « Parce que venir à une soirée en pantalon… Franchement… »
-Ah ! Fait chier ! » S’exclame soudain Mathias en se levant pour regarder par la fenêtre. « Elle est revenue ! »
Valentin saute carrément sur ses jambes, terrifié.
-On devrait pas être là ! » S’exclame-t-il, son visage ayant brusquement perdu toutes ses couleurs. « Elle va nous tuer ! »
Je me mets à rire devant son comportement extrême tout en poursuivant mes recherches tandis que Mathias se réinstalle calmement sur le canapé.
-T’inquiète Catman. Elle risque pas de nous chercher. » Le rassure-t-il en soupirant. « Mais moi je peux dire adieu à ma muscu. »
-Mais… » S’inquiète encore Valentin, toujours debout. « Si elle se rend compte qu’on est entré ?! Les volets sont ouverts maintenant ! »
Je finis ma pile de tenue sélectionnée et me tourne vers lui.
-T’en fais pas Val, elle va pas nous tuer pour ça… » Lui dis-je en me rhabillant. « Nous torturer peut-être mais pas nous tuer… »
Et je le vois avaler sa salive avec difficulté.
-Hey ! Pourquoi tu te rhabilles ? » Me demande Mathias, déçu. « Ça commençait tout juste à être intéressant ! »
Je le regarde avec un grand sourire.
-Parce que c’est à vous les gars maintenant. Y a quelques tenues là-bas… »
-Hors de question Iris. Je vais pas à cette putain de soirée, alors tes trucs là, je m’en fous. » M’annonce immédiatement Mathias, se préparant déjà à se téléporter.
-Mais non attends ! C’est pour Victor ! » Tenté-je de le retenir encore un peu. « Il n’est pas là pour essayer… »
Il me fixe un instant.
-Iris. »
-Oui ? »
-Non. »
Et il disparaît.
Sale petit ingrat !
Je souffle alors que je ne peux même plus profiter de sa présence pour l’insulter.
-C’est pas grave Iris. » Me console Valentin. « Moi, je peux pas me téléporter… »
Et il m’adresse son petit sourire timide.
Avec mon habituelle spontanéité, je l’embrasse sur la joue qui vire rapidement au rouge vif. J’adore le voir rougir. Mathias a peut-être un côté beau gosse bien foutu, mais il n’est pas aussi craquant.
Et ce que je lis dans les yeux de Valentin à chaque fois qu’il me regarde, est bien plus profond qu’un simple intérêt physique.
Mais, j’ignore pourquoi, il ne se décide pas à faire le premier pas. Et ce, malgré la quantité astronomique de messages subliminaux que je lui envoie. D’accord, c’est resté un adolescent et nous avons grosso modo près de trente ans d’écart…
Mais quand même !
Ce n’est pas si difficile de dire simplement « tu me plais » non ?
Je le prends par la main et l’emmène, presque en courant jusque dans la pièce ou j’ai trouvé les vêtements pour homme.
J’en saisis immédiatement un qui m’avait tapé dans l’œil lors de mes toutes premières recherches.
-Tiens ! » Et je lui tends un beau smoking noir à la James Bond. « Je suis sûr que ça va t’aller à la perfection ! »
Il me sourit, un peu mal à l’aise et cherche tout autour un endroit pour se changer en toute intimité.
Je lève les yeux au ciel.
-C’est bon Val ! Vas-y ! Je ferme les yeux si tu y tiens… »
Il rougit à nouveau et s’éloigne un peu de moi avant de commencer à se dévêtir.
Je fais semblant de me détourner, mais le détaille en cachette.
-Iris ! » S’exclame-t-il en se rendant rapidement compte de mon manège.
Je râle mais me retourne pour de bon avec un petit sourire aux lèvres.
-C’est bon. » Me dit-il après quelques minutes.
Je me retourne en vitesse, ayant hâte de le découvrir, enfin habillé comme un homme. Et je ne suis pas déçue.
C’est vrai que la veste à l’air un peu trop grande pour ses maigres bras, mais tant pis, c’est toujours bien mieux que ses T-shirts de gamins habituels.
Je m’approche de lui en sautillant.
-Wouaou Val ! T’es beau comme ça ! » Je m’exclame avant de me placer à quelques centimètres seulement de lui.
Je lui lisse sa veste du plat de la main et m’attarde un peu sur son torse.
Je rêve à cet instant qu’il me saisisse brusquement les poignets et qu’il plaque violemment sa bouche contre la mienne pour m’embrasser.
Mais il n’en est rien.
Il se recule d’un pas, gêné.
-Merci Iris… » Se contente-t-il de me dire, l’air de souffrir le martyre.
Je pince les lèvres, déçue et me détourne pour tenter de ne pas le lui montrer.
-Bon ben c’est bon… On a fait le tour je crois… » Conclus-je, largement refroidie dans mon enthousiasme.
-Tu ne voulais pas que j’essaie la tenue pour Victor ? » Me demande-t-il avec une pointe de déception dans la voix.
Je lui rends ses affaires, un peu brusquement.
-Non c’est bon. Ce sont des tailles standards de toute façon. Ça lui ira. »
Et je n’attends pas qu’il se rhabille pour quitter la pièce.
Il a tenté de se racheter, les jours qui ont suivi. Je l’ai même vu à plusieurs reprises, semblant répéter un quelconque discours dans sa tête, les lèvres entrouvertes pour me parler, avant de se raviser.
Systématiquement.
Je ne vais pas t’attendre indéfiniment Valentin…
Et je me sens tellement frustrée depuis notre dernier tête-à-tête que je pourrais presque sauter sur Victor si ce dernier ne semblait pas, lui aussi, si préoccupé.
Puis le jour J est enfin arrivé.
-C’est pas si mal… » Finit par lâcher Ambre en s’inspectant dans le miroir.
Je manque de m’étrangler et lui présente l’arrière de sa coiffure.
-Comment ça, pas si mal ?! » Je m’insurge, manquant de perdre mon sang-froid. « C’est super tu veux dire ! »
Mais le regard qu’elle se lance dans le miroir me rassure sur le fait qu’elle apprécie sa coupe comme il se doit.
-C’est très bien Iris. Merci. » Me dit-elle enfin plus chaleureusement.
Et je manque à nouveau de m’étrangler. De joie cette fois.
Je profite de sa bonne humeur pour placer la suite du programme.
-Hé attends ! Le plus compliqué reste à venir. » La prévins-je. « Va falloir essayer les robes maintenant ! »
Je l’entends soupirer alors que je termine de ranger mon matériel. Mathias n’aura besoin que de la tondeuse de toute façon.
-Je ne compte pas m’habiller différemment de d’habitude Iris. » Tente-t-elle de limiter mes ardeurs « Tu m’as coupé les cheveux et c’est très bien mais ça suffira… »
Je n’attends pas qu’elle termine.
-Alors là pas question ! » Et je prends mon ton le plus intransigeant. « Tu ne vas quand même pas y aller avec ton vieux col roulé et ton manteau troué de partout ?! Ah ça non ! Nous sommes les éveillés de la colonie alors on se doit d’être les plus classes de la colonie ! »
Manquerait plus qu’elle nous fiche la honte avec ses vêtements !
Alors que c’est elle qui est censée donner le ton !
-On verra. » Conclut-elle, sans doute pour me faire taire. « En attendant, Victor m’attend pour une leçon alors j’y vais. »
Eux et leurs fichues séances de musique…
-Oui oui… » Lui dis-je pour la libérer. « Faut que j’attrape Mathias pour sa coupe de toute façon. »
Et je m’occupe de nettoyer la pièce alors qu’elle rejoint son professeur de piano, déjà devant le clavier puisque j’entends la musique d’ici.
Je descends ensuite et les trouve tous ensemble dans le salon, en train d‘écouter l’interprétation de Victor.
C’est vrai qu’il est doué…
Mais je ne prends pas vraiment le temps de profiter du morceau.
Mathias a remarqué ma présence et me nargue déjà, me fixant avec un coin de sa bouche légèrement relevé. Il me présente son index et me fait clairement un signe de dénégation.
Parce que tu crois vraiment que je vais me laisser faire aussi facilement ?
Je hoche lentement la tête en réponse tout en lui souriant également.
Tu y passeras Mathias… Je ne partirais pas de cette maison avant de t’avoir correctement tondu le crâne…
Son sourire s’élargit, me présentant une lignée de dents bien blanches.
Juste avant qu’il ne disparaisse.
J’ouvre la bouche d’indignation.
Mais quelle saleté !
Utiliser son pouvoir de la sorte !
C’est de la triche !
Le morceau de piano se termine et j’applaudis à tout rompre avant de siffler bruyamment.
Moi, au moins, je respecte mes partenaires !
J’attends encore que Victor s’incline devant moi pour me remercier avant de quitter rapidement la pièce.
Il est temps de partir en chasse…
Je n’ai plus que deux heures pour habiller Ambre.
Deux petites, minuscules heures alors que j’ai des dizaines de tenues à lui faire essayer.
Et que je compte bien passer ma frustration de n’être pas parvenue à attraper Mathias sur elle.
Je remarque à peine son temps d’arrêt devant la pile de vêtement alors qu’elle entre tout juste dans la pièce.
-J’en aie pris plusieurs… » Je lui explique histoire qu’elle ne monte pas à nouveau sur ses grands chevaux. « Pour être certaine de trouver celle qu’il te faut. »
Mais ça ne l’empêche pas de le faire malgré tout.
À la regarder pâlir comme ça, on dirait presque qu’elle a envie de fuir à toutes jambes.
Quelle idée !
Il n’y a rien de plus amusant que d’essayer des tenues sexy non ?!
Et je me souviens du regard en coin de Mathias alors que je me changeais devant lui et Valentin.
Au moins, le premier sait apprécier les atouts des autres et le leur montrer.
Tandis que l’autre là…
-Iris. J’en essaierais une et pas plus. » Me ramène Ambre à la réalité, pensant sans doute que je vais l’écouter. « Et où est-ce que tu as trouvé tout ça ? »
Je me mets à rire.
Mathias… Je tiens ma revanche…
Et ça, c’est pour te punir de m’avoir laissé en plan.
-C’est Mathias qui les a trouvés dans une de tes autres maisons. » Je lui explique tout naturellement. Son visage s’allonge immédiatement et je suis parfaitement satisfaite de mon effet, certaine qu’elle ne tardera pas à rappeler à l’ordre mon lâcheur d’éveillé « Tu as de vrais trésors là-dedans… J’en ai aussi profité pour prendre quelques bijoux… » Et je me permets même de lui montrer ceux que je lui ai empruntés.
À moi, elle ne peut pas m’en vouloir.
Après tout, je lui ai fait une coupe d’enfer !
Mais lorsque je me retourne vers elle, Ambre est sur le point de me faire un malaise, une main sur le visage comme si elle allait se mettre à vomir.
Ah non ! Pas maintenant !
Pas juste avant les essayages !
-Ça ne va pas Ambre ? » Je lui demande en espérant qu’elle se reprenne rapidement.
-Si si. Parfaitement bien. » Finit-elle par me rassurer. « Une robe et une seule Iris. »
Je me retiens de râler.
Bon, avec un peu de chance elle va y prendre goût… Il faut juste que je choisisse la bonne…
Je cherche dans le tas de vêtement, la petite robe argentée qui avait tellement plu à Mathias. Si lui, l’a approuvé, c’est que ce doit être une valeur sûre…
Mais Ambre ne semble pas de cet avis, sa bouche se tournant bizarrement vers le bas alors qu’elle aurait dû faire un large sourire.
-Je ne pense pas que… » Commence-t-elle.
Mais je ne la laisse pas finir.
C’est moi la styliste après tout ! Il faut que je prenne les choses en main.
-Essaye-la ! Allez ! S’il te plaît ! » La supplié-je de mon ton habituel pour obtenir ce que je veux.
Qui fonctionne, comme à chaque fois.
Elle la prend d’une main, la tenant comme s’il s’agissait d’un serpent à sonnette ou d’une couche sale et s’enferme dans la salle de bains pour essayer.
-Mais Ambre ! On est entre femme ! » Chuchoté-je malgré moi en levant les yeux au ciel.
D’autant plus qu’elle peut parfaitement se balader à poil quand elle le veut, courant presque dans toute la maison juste parce que Mathias a dormi quelques nuits dans sa chambre.
Je m’impatiente derrière la porte, attendant en trépignant qu’elle daigne enfin l’ouvrir.
-Hors de question Iris ! » Me crie-t-elle au travers au bout de quelques courtes minutes. « J’ai l’air d’une pute là-dedans. »
Une quoi ?!
C’est une blague ?!
-Tu plaisantes ?! Ce sont des vêtements de grande marque quand même… »
Mais je n’ai même pas le temps d’argumenter que je l’entends déjà se rhabiller à travers la cloison.
-Ne me dis pas que tu l’as déjà enlevée ?! » M’inquiété-je franchement.
Elle ne va quand même pas…
Elle ouvre brusquement la porte.
C’est pas vrai…
-Oh non… » Lui dis-je avec toute la déception que je ressens. « Mais je ne t’ai même pas vue… »
Elle me coupe.
-Tu as eu ta chance Iris, c’était une robe. »
Et elle tente de s’échapper, toujours vêtue de ses fringues repoussantes.
Cette fois je panique vraiment.
-Attends ! Attends !! » L’arrêté-je avec l’énergie du désespoir. « S’il te plaît ! Laisse-moi une autre chance ! Une toute petite autre chance ! » Je sais qu’elle n’hésitera pas à utiliser ses pouvoirs pour me chasser alors j’utilise ma dernière carte. « Un pantalon ! Laisse-moi te faire essayer un pantalon ! Avec un haut bien sûr… Allez… Tu ne peux pas y aller comme ça… »
Et tant pis si je dois sortir cette fichue tenue qu’avait préféré Valentin.
Ce sera toujours mieux que rien.
-Tu as cinq minutes. » Lâche-t-elle en soupirant, exaspérée.
Et je sais que je n’ai pas de temps à perdre.
Je vole littéralement jusqu’à ma pile de vêtement et cherche la combinaison que j’avais pris soin de mettre tout en dessous des autres.
-Je te tiens ! » M’exclamé-je en l’extrayant du tas.
Puis je repars tout aussi vite, la tendant à Ambre qui m’attend, bras croisés, devant la salle de bains.
-Tiens ! Ça, je suis sûr que ça va te plaire… »
Même si tu aurais été tellement mieux avec la robe argent…
Mais à quoi bon donner du foie gras aux cochons ?
Elle repasse dans la salle de bains, l’air aussi convaincue qu’un condamné à mort devant son échafaud.
Mais cette fois l’attente est plus longue.
-Alors ? » Je lui demande avec espoir. « Ça te plaît ? »
Elle ne me répond pas et je finis par comprendre que c’est sans doute bon signe.
Valentin, si elle garde cette tenue, je t’embrasse ce soir, que tu le veuilles ou non.
Elle ouvre enfin la porte et je la découvre, absolument magnifique dans sa nouvelle tenue. Je ne perds pas une miette de ses cicatrices, comme d’élégants tatouages gravés naturellement sur son corps.
J’ai toujours adoré les tatouages. Je m’en serais bien fait faire quelques-uns si je n’avais pas eu autant peur des aiguilles.
-Ça ira Iris. » Lâche-t-elle modestement.
Mais je sais que, pour elle, ça équivaut à un saut périlleux de la tour Eiffel.
Je la gratifie de mon plus beau sourire pour l’encourager.
-Tu plaisantes ! Tu vas faire un carton avec ça ! »
Elle me fixe un instant sans répondre avant de tenter de rejoindre à nouveau les escaliers.
Sauf que mon regard acéré de styliste repère immédiatement un manque de goût évident.
-Hé ! Attends ! Tu comptes pas garder ton soutien-gorge quand même ? » Au regard qu’elle me rend, j’en déduis qu’elle n’y avait même pas pensé. Bon sang, heureusement que je suis là ! « Attends ! J’ai ce qu’il te faut… »
Et je repars en vitesse chercher de quoi réparer cet outrage à sa tenue vestimentaire. J’en profite également pour récupérer les chaussures adéquates.
Je suis presque étonnée qu’elle soit toujours là à m’attendre lorsque je reviens. Comme quoi, une petite partie d’elle doit tout de même se rendre compte de cette faute de style.
-Tiens. » Et je lui tends les prothèses. « Ça devrait suffire. Tu n’as pas de trop gros nichons… » J’ajoute pour la rassurer.
Elle s’isole à nouveau dans la salle de bains et je lève les yeux au ciel devant son insupportable pruderie. Puis elle ressort quelques minutes plus tard.
-Maintenant Iris c’est bon. » Me dit-elle d’un ton sans appel. « Ça suffit. »
C’est pas vrai mais c’est pas vrai !
Il faut encore que je la supplie ?!
-Mais… Et le maquillage ? » Je tente en lui faisant mes plus beaux yeux de biche.
Mais cette fois, elle ne se laisse pas attendrir.
-Tu fais ce que tu veux Iris, mais moi, je descends. »
Et elle associe ses dires à l’acte en se dirigeant d’un pas ferme vers les escaliers, me saisissant au passage les talons hauts.
Je fixe son joli dos nu, rageant qu’elle n’ait aucune notion des priorités.
Puis je me dirige moi-même dans la salle de bains.
J’ai encore quelques dernières petites touches à ajouter à ma tenue.
Et puisque Ambre a finalement choisi de garder celle de Valentin…
Je dois mettre toutes les chances de mon côté pour obtenir ce que je veux.
Devant la glace, je souligne gracieusement mes yeux à l’aide d’un eye-liner (Chanel s’il vous plaît.). Puis j’ajoute un peu de fard à paupières, du rouge à lèvres, du parfum…
J’en suis à me remonter les seins pour vérifier qu’ils sont bien mis en valeur lorsque le cri d’Ambre retentit dans toute la maison.
-IRIS ! » Gueule-t-elle, presque à se casser la voix. « Soit, tu descends ! Soit, on part sans toi ! »
Ah ça non ! Hors de question !
Mais comme je sais qu’elle en serait parfaitement capable, je descends en courant les escaliers.
-Ben, qu’est-ce que vous faites ? » Demandé-je aux trois idiots et pantouflards, assis dans leur canapé bas de gamme.
Je tente de saisir la main d’Ambre pour l’encourager à se lever et produire ainsi un effet de groupe puisque c’est elle le chef de notre clan, mais elle m’évite sèchement et va même jusqu’à me menacer.
-Continue Iris et je jure que tu ne danseras plus jamais de ta vie ! »
Ne plus jamais danser ?!
Faudrait me couper les jambes pour ça !
Ce qui, à la réflexion, ne devrait pas être très compliqué pour elle.
Je me tourne donc plus sagement vers Victor et Valentin.
-Allez ! Tout le monde en piste ! »
Et je prends fermement la main de Valentin qui se laisse faire, bien qu’il ne soit pas très à l’aise. Puis je récupère celle de Victor qu’il tentait de planquer sous sa cuisse.
-Je suis trop vieux pour ça… » Essaie-t-il de m’amadouer.
Mais je peux être cruelle lorsqu’il le faut.
Je lui saisis brusquement le poignet et lui fais profiter de mes pouvoirs.
-Aïe ! Iris ! » Lâche-t-il, surpris que j’en vienne jusque-là.
Je lui souris, satisfaite de mon effet.
-Je n’ai peut-être pas beaucoup de puissance mais ça chatouille quand même hein ? » lui demandé-je, un brun sadique.
Et il se décide enfin à se lever.
-Je croyais que tu n’avais aucun pouvoir ? » Me demande soudain Ambre, l’air surpris.
Je choisis de rester modeste cette fois-ci.
-Oh… Ça ne vaut pas grand-chose comparés aux autres éléctrokinésistes mais bon… Ça sert parfois. » Et je pousse les deux fainéants devant moi. « Allez ! En avant ! »
Nous parvenons rapidement au centre de la piste, les membres de la colonie se poussant gentiment sur notre passage pour nous permettre d’avancer, puis j’encourage les deux hommes à entrer dans le rythme, dansant tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre.
Ils finissent par se laisser prendre au jeu et même Victor me gratifie de quelques pas de danse que je ne l’aurais jamais cru capable de réaliser, sous le regard appréciateur de Valentin.
Lorsque l’allocution de Pascal vient brusquement gâcher l’ambiance.
J’aurais presque eu envie de le huer mais Valentin me retient, me prenant gentiment la main.
Je lui souris.
Toi.
Tes lèvres.
Sur les miennes.
Dans cinq minutes et pas une de plus.
J’écoute à peine ce que raconte le patron de la colonie mais participe activement lorsqu’il le faut.
Puis, il reprend d’un ton encore plus solennel.
-Et j’aimerais… » Commence-t-il en apaisant bêtement l’ambiance de la salle. « J’aimerais également remercier une personne en particulier… »
Je trépigne sur place.
Il va parler d’Ambre, c’est sûr. Il va parler d’elle.
-Il parle d’Ambre hein ? » Chuchoté-je toute excitée à Valentin.
Il se tourne vers moi l’air de ne pas savoir de quoi je parle.
-Une personne qui, malgré sa nature, a choisi de prendre le parti de l’humanité. » Un silence respectueux accompagne ses paroles. « Notre parti. Une personne qui nous protège de nos ennemis et nous soutient dans l’adversité. »
Il parle d’Ambre ! J’en étais sûr !
-Il parle d’Ambre hein ?! C’est ça ? » Demandé-je à Victor, ne tenant plus en place.
Il hoche vaguement la tête tout en regardant autour de lui.
-Je veux bien sûr parler de notre protectrice depuis huit ans. Celle que nous avons longtemps appelée la grande éveillée. »
Je me tourne vers elle avec la foule, la découvrant, raide comme un piquet, prise en flagrant délit à côté du buffet.
-Ambre. » Et Pascal l’applaudit lentement avec force.
Je le rejoins rapidement et donne un coup dans les côtes de Valentin et de Victor pour qu’ils en fassent de même.
Les humains nous suivent ensuite avec enthousiasme et je siffle entre mes doigts pour les encourager à l’acclamer plus fort.
Ah !
Qu’est-ce que c’est jouissif d’être un leader charismatique !
Ambre n’a malheureusement pas le temps de profiter beaucoup de son moment de gloire et Pascal lance la musique à nouveau.
Je manque de m’étouffer de joie en tournoyant sur place, tellement cette chanson, plus qu’aucune autre, correspond à notre petit groupe et tout particulièrement à Ambre.
Je la cherche à nouveau des yeux et la trouve assez rapidement puisqu’elle n’a pas bougé d’un millimètre.
Puis, juste au bon moment, je la désigne du doigt.
Quelque chose en toi… Ne tourne pas rond !
J’ai tout juste le temps de la voir secouer la tête, d’un air las, avant qu’un groupe d’humains ne me bouche la vue et je me tourne à nouveau vers mes deux danseurs préférés.
Pour me rendre compte que Victor a finalement quitté la piste.
Tout en me trémoussant, je m’approche de Valentin.
-Il est parti où ? » Je lui demande, un peu déçue qu’il nous lâche ainsi sans même me prévenir.
Valentin hausse les épaules tout en tentant quelques timides pas de danse.
-Je sais pas… »
Et je me désintéresse rapidement de la question.
Je place mes bras autour de sa nuque, me pendant à son cou. Il se met immédiatement à rougir de cette teinte rosée qui me fait craquer.
Allez Iris, ma fille… Personne ne peut te résister ce soir…
Voyant qu’il reste aussi droit qu’un tuteur de potager, je cesse quelques secondes de l’enlacer et lui prends énergiquement ses mains pour les placer sur mes hanches. Puis je replace mes bras.
Il me sourit, gêné.
-Iris… » Hésite-t-il. « Je… »
Mais je place un doigt sur sa bouche pour le faire taire.
-Non Valentin, pas de longs discours ce soir. » Le coupé-je.
Je pourrais presque entendre son cœur battre à tout rompre alors je décide de le mettre à l’aise.
-Ferme les yeux Val, et laisse-toi faire… »
Et, comme je sais qu’il n’osera jamais faire le premier pas, je m’en occupe moi-même, avançant lentement mon visage du sien.
Je ferme les yeux, confiante, moins d’une seconde avant que nos lèvres se touchent.
Lorsqu’il me repousse soudain, m’éloignant brusquement de lui.
Je rouvre vivement les yeux, blessée comme je l’ai rarement été, l’écoutant à peine alors qu’il tente maladroitement de s’expliquer.
-Attends Iris ! Il faut que je te dise… »
Mais je n’ai pas la patience de l’écouter.
Je retire sèchement ses mains qui se trouvaient toujours sur mes hanches.
-Que tu me dises quoi Valentin ?! Tu viens de tout gâcher ! »
Et je m’apprête à m’éloigner mais il m’attrape par le poignet.
-Iris ! Attends ! Je t’en prie ! Je dois juste t’expliquer quelque chose ! »
Et son regard semble si torturé sur l’instant que je me laisse amadouer quelques secondes.
Je me dégage de sa main et croise les bras sous ma poitrine attendant son explication, qui a intérêt à être bonne, où je risque de ne pas rester très longtemps.
Il semble hésiter, n’osant même pas me regarder en face.
-C’est juste que… C’est… C’est compliqué Iris… » Finit-il par lâcher, de plus en plus mal à l’aise.
Woua…
Quelle explication de dingue !
-Si je ne te plais pas, ça me paraît plutôt simple en fait. » Je lui réponds sèchement.
Il hausse les sourcils, surpris de mon ton tranché.
-Non ! Non Iris ! Pas du tout ! Ça n’a rien à voir je t’assure ! » S’exclame-t-il en tentant une approche, me saisissant doucement par les épaules.
Je lui laisse sa chance, malgré tout intérieurement ravie qu’il admette enfin que je lui plaise même si ce n’est qu’à demi-mot.
-C’est juste… Il me faut un peu de temps pour t’expliquer et… » Il regarde tout autour de lui, son regard glissant sur les danseurs qui nous entourent. « Disons que c’est compliqué de le faire ici… »
Je fais la moue, pas vraiment satisfaite de ses explications, alors qu’il me fixe avec espoir.
Puis je soupire.
D’accord Val mais tu ne fuiras pas cette conversation plus d’une journée supplémentaire…
-C’est bon Val, on verra ça plus tard… Je vais chercher Ambre et la forcer à ramener ses fesses ici. »
Et je le plante sur place, le laissant seul au milieu de la foule alors que je quitte la piste de danse à la recherche de notre chef de clan.
Je ne mets pas longtemps à me rendre compte qu’elle n’est plus dans le bâtiment, faisant un rapide tour par le buffet, puis par les canapés dans lesquels ils s’étaient installés en début de soirée, désormais pris d’assaut par une armée de couples en rut.
Je me dirige rapidement vers la porte, prête à affronter le blizzard pour la ramener mais lorsque je l’ouvre, ce n’est pas elle que je trouve en premier.
Mathias se tient juste devant, presque aussi surpris de me voir que moi de le trouver ici.
Et je ne perds pas de temps.
-Hé ! Mathias ! » M’exclamé-je en lui saisissant le bras et en l’entraînant de force à l’intérieur.
Je me rends compte tout en le tirant avec moi dans la foule, que, s’il l’avait vraiment voulu, il aurait pu s’échapper à tout moment.
Mais il ne l’a pas fait…
Et si Valentin ne veut pas de moi finalement…
J’ai peut-être encore une chance de finir cette soirée d’une façon un peu moins déprimante.
Je rejoins Valentin qui semble ne pas avoir bougé d’un millimètre depuis que je l’ai laissé sur place tout à l’heure et encourage Mathias à entrer dans l’ambiance en dansant juste devant lui.
Ce qui me permet, en même temps, de réveiller les instincts masculins de mon adolescent favori en le rendant jaloux autant que possible.
Mathias lève les yeux au ciel en me voyant faire mais je détecte tout de même un petit sourire étirer ses lèvres.
-Allez Mat ! » Je l’encourage, sentant qu’il n’est pas loin de s’y mettre. « Profite un peu ! Puisque tu es là ! » Et je lui montre Valentin du regard. « Même Valentin s’y est mis ! »
Il jette un coup d’œil aux mouvements timides de Valentin sur la piste avant de s’approcher de moi, l’air d’avoir envie d’éclater de rire.
-Parce que t’appelle ça danser toi ?! » Me chuchote-t-il en abaissant son visage vers mon oreille.
-Parce que tu crois que tu fais quoi toi ? » Je lui réponds en haussant les sourcils, le regardant de haut en bas de façon éloquente.
Je lis immédiatement une lueur de défi dans son regard et je sais que j’ai touché juste.
Ah Mathias…
Je savais que ça valait la peine que tu viennes.
Il ôte son manteau d’un geste souple et me saisit soudain par la taille avant de me faire danser comme on ne me l’a plus fait depuis de longues années.
Je le fixe, les yeux écarquillés de surprise.
Si je m’attendais à ça…
J’imagine la tête de Valentin à quelques mètres à peine de nous…
-Tu croyais qu’elle venait d’où ? Cette magnifique musculature ? » Me lance-t-il avec un grand sourire, entre deux pas de danse.
Je ne peux m’empêcher de lui sourire en retour, aux anges alors qu’il me fait enfin passer la soirée de mes rêves…
Enfin presque…
Il ne manque pas grand-chose.
-Franchement… J’y ai pas réfléchis. » Je lui réponds, pas vraiment concentrée sur ce que je lui dis.
J’adore lorsqu’il me fait tourner, j’ai l’impression de dominer la piste avec lui, ce qui est probablement le cas d’ailleurs…
Je profite encore un moment de ses muscles que je sens malgré ses vêtements, de son allure, décidé et sûr de lui…
De son regard…
Sur moi…
Valentin aussi me regarde comme ça. C’est un peu plus naïf et innocent peut-être… Moins physique… Mais ça ne me fait pas moins d’effet pour autant…
Valentin…
Valentin ?
Je le cherche des yeux autour de nous.
-Où est Val ? » Demandé-je, un peu inquiète de ne pas le trouver.
Mathias balaie rapidement la foule des yeux.
-Sans doute parti se rasseoir. » Conclut-il facilement. « Il avait pas l’air franchement à l’aise. »
Je ne suis pas tout à fait d’accords. Il s’était quand même bien détendu…
Jusqu’à ce que je revienne avec Mathias en tout cas.
Mais je me rends compte qu’il doit sans doute avoir raison.
Je hoche la tête, déçue d’avoir perdu l’un de mes prétendants.
Mathias s’approche de moi, visiblement pas mécontent d’être le seul restant sur la liste.
-Ca va aller Iris. » Me chuchote-t-il, un petit sourire aux lèvres. « Et puis… Tu as toujours un cavalier ! » Et il se désigne, ravi.
Sa remarque me fait rire, sachant à quel point il s’est fait désirer jusqu’à maintenant.
Puis nous nous fixons une longue seconde, les yeux dans les yeux.
Bon sang Mathias…
Comment fais-tu pour être aussi sexy même habillé comme ça ?
Et Valentin qui ne veut que parler ! Et parler de quoi ?! Du fait que je ne suis pas son genre en fin de compte ?
Peut-être qu’il est gai en fait ?
Je n’en peux plus d’attendre. J’ai besoin de me sentir désirer, de me sentir aimer…
Et tant pis si ce n’est que pour cette nuit.
Je me tourne une dernière fois vers Mathias, me rendant bien compte que je ne lui suis pas indifférente.
C’est le moins qu’on puisse dire puisqu’il me dévore littéralement du regard.
Je cherche des yeux un endroit reculé de la pièce pour avoir un peu plus d’intimité et trouve rapidement ce que je cherche.
Une porte discrète donnant sans doute sur un local de stockage quelconque…
Un endroit parfait.
-Viens. »
Et je l’entraîne par la main, sortant rapidement de la piste de danse.
-Qu’est-ce que tu fais Iris ? » Me demande-t-il, d’un air adorablement surpris.
Franchement Mathias…
Ne me dis pas que ça ne t’a même pas effleuré l’esprit ?
Je place un doigt sur mes lèvres et ouvre la porte.
Je constate avec satisfaction que je ne me suis pas trompée et que nous nous retrouvons au milieu de matériels audio et de chaises de spectacles pour de petites fêtes de village.
-Iris ! » M’arrête Mathias alors que je l’entraîne un peu plus loin dans la pièce. « Qu’est-ce qu’on fait là ? »
Je me retourne vers lui, définitivement surprise qu’il n’y pense toujours pas et je me décide à lui faire un dessin puisqu’il en a besoin d’un.
-Ce qu’on fait toujours dans ce genre de soirée… »
Et je m’approche tranquillement de lui, faisant sensuellement onduler mes hanches.
Ça fait terriblement longtemps que je n’ai pas eu autant envie d’un homme. Et le fait est que je n’aurais jamais pu être aussi direct avec Valentin.
Je place mes mains sur son torse, visitant soigneusement les lignes de sa belle musculature.
Quel dommage qu’il soit habillé comme un sac ! Si seulement il m’avait écouté…
Mais de toute façon, il ne va probablement pas le garder longtemps, ce vieux T-shirt.
Je relève les yeux vers lui alors qu’il ne bouge toujours pas le petit doigt, probablement en pleine hésitation.
Il me fixe, l’air de vouloir m’arracher mes vêtements, mais sans oser le faire vraiment.
Oh… Allez Mathias ! Je ne veux pas d’un deuxième Valentin maintenant !
Et je sais exactement quoi dire pour le convaincre.
-Mais, si tu n’en as pas envie… » Lui dis-je, lui laissant volontairement l’opportunité de tout arrêter.
Pour avoir utilisé cette formule durant mes périodes de séduction avant la catastrophe, je sais pertinemment qu’elle peut convaincre même les plus réfractaires. Y compris les hommes mariés.
Et comme je m’y attendais, son regard se fait soudain plus décidé.
Il me saisit fermement la nuque et plaque furieusement sa bouche contre la mienne, m’embrassant pleinement alors que son autre main glisse sur mon dos, me plaquant tout contre lui.
Un feu ardent embrase mes entrailles alors que je lui réponds, plaçant mes bras autour de son cou, ma langue s’enroulant autour de la sienne dans un baiser qui n’a rien à envier à ceux que l’on pouvait voir au cinéma.
Il m’entraîne avec lui un peu plus loin dans la pièce, me plaquant d’un geste brusque contre un mur pour que je ne puisse pas lui échapper, prenant les choses en main d’une manière virile.
Qui me fait vibrer d’excitation.
Enfin un homme ! Un vrai !
Alors qu’il me maintient un bras en l’air, son autre main sur ma hanche, j’attire son bassin vers moi en le tirant par la ceinture de son pantalon.
Et je sens que je ne suis pas la seule à avoir besoin de cette étreinte ce soir.
Ses lèvres quittent les miennes pour parcourir les parties laissées à nu par ma robe, son souffle chaud et saccadée suivant ma respiration devenue rauque.
Je saisis son autre main, beaucoup trop timide à mon goût et l’encourage à visiter les secrets de mon anatomie, la laissant glisser sur ma cuisse, relevant ma robe bien au-dessus de ce qui est raisonnable.
Je lâche un soupir de plaisir, déjà conquise alors que nous venons à peine de commencer.
Il m’embrasse à nouveau, définitivement prêt à l’action.
Lorsqu’un choc violent le force brusquement à quitter mon corps.
J’ouvre brusquement les yeux.
-ESPECE DE SALOPARD ! » Entends-je crier simultanément aux fracas des chaises lorsque Mathias se retrouve brutalement projeté contre le mobilier.
-Ambre ?! » M’exclamé-je, surprise de la trouver ici.
Puis je me rends compte de son regard vengeur envers mon amant de la soirée.
Et je sais que j’ai plutôt intérêt à lui expliquer la situation où Mathias risque de perdre cette précieuse virilité.
Ce qui m’ennuierait beaucoup.
-AMBRE NON ! » M’écrié-je en me plaçant de façon à lui cacher l’objet de sa colère.
-Qu’est-ce que… » S’étonne-t-elle devant mon comportement.
Bon sang Ambre ! Mais qu’est-ce que tu crois qu’on fait ?!
Elle recule d’un pas et je réalise ce qu’elle pensait en nous découvrant Mathias et moi dans cette position.
-Non Ambre ! Ce n’est pas ce que tu crois… » Je tente de lui expliquer alors que Mathias fait une tentative pour s’extraire péniblement de son tas de chaises.
-Il essayait de te violer ! » S’écrie-t-elle, confirmant mes soupçons.
Ambre…
Il faut vraiment que tu sortes plus souvent…
Elle s’apprête à nouveau à s’en prendre à lui alors je me replace dans son angle d’attaque tout en continuant mes tentatives pour lui faire entendre raison.
-Non non ! Pas du tout ! Ambre ! C’était… » Mais comment lui expliquer les choses simplement ? « J’étais d’accord ! Tu comprends ? »
Elle me fixe d’un regard interdit un long moment et je respire plus lentement, rassurée par le fait qu’elle n’essaie pas à nouveau de s’en prendre à Mathias.
Jusqu’à ce qu’une petite voix, emplît de déception et de chagrin, ne résonne dans la pièce, rompant le silence d’une horrible manière.
-Ok. » Lâche simplement Valentin.
Et je me rends vite compte de ce que mes envies charnelles risquent de m’avoir coûtée.
Il se retourne et part sans même attendre de réponse de ma part, comme si je n’avais soudain plus aucune importance à ses yeux.
Non…
Non je ne voulais pas ça…
-Valentin ! Attends ! » Je l’appelle tout en courant pour le rejoindre.
Je rouvre la porte du local qu’il avait tenté de fermer avec violence et le rattrape devant les canapés et les couples qui n’en finissent pas de se bécoter. Ils sont moins nombreux que tout à l’heure cependant, et j’imagine que certains d’entre eux sont partis finir ailleurs ce qu’ils avaient commencé ici.
Je l’attrape par le bras mais il se dégage vivement.
-C’est bon Iris. J’ai compris. » Me dit-il d’une voix dure, se retournant à nouveau pour partir.
Je fronce les sourcils, suivant son dos du regard quelques secondes avant de le suivre à nouveau.
Si tu crois que je vais te laisser te barrer comme ça…
Il sort de la salle des fêtes, passant devant Victor sans lui adresser un regard et se dirige d’un pas vif vers la voiture d’Ambre.
-Valentin !… » M’écrié-je, m’arrêtant à un mètre de la porte, surprise par la neige qui s’est invité à l’extérieur durant la soirée.
Mais Valentin se retourne vivement, le visage crispé par la colère et la frustration.
-Ça t’amuse de jouer avec les gens hein ? » Me crache-t-il méchamment. « De leur faire croire que t’es intéressée alors que… »
Mais il ne parvient même pas à finir sa phrase, ses mâchoires se crispant brusquement.
-Mais non Val… » Je tente de m’expliquer, douloureusement touchée par ce qu’il me dit.
-C’est bon Iris je te dis. J’ai pas besoin que tu m’expliques tu sais. Je suis pas aussi attardée que tu le crois. » Son regard se tourne enfin vers moi une brève seconde.
Valentin…
-Tu aurais dû me dire que je n’avais aucune chance. » Conclut-il sèchement avant de se retourner pour couper court à la conversation.
J’aimerais m’expliquer, lui dire ce que j’attendais de lui à cette soirée, lui faire comprendre qu’il a beaucoup plus d’importance pour moi que ce qu’il croit.
Mais un intense sentiment de lassitude me saisit soudain et je ne me sens plus capable de lui parler.
Ambre choisi cet instant pour passer la porte accompagnée de Victor et elle marque un temps d’arrêt lorsqu’elle nous découvre tous les deux aussi éloignés l’un de l’autre.
Valentin ouvre la portière avant de la voiture, sans même les regarder et je manque de me mettre à sangloter.
Tout ce que je voulais…
Tout ce que je voulais c’était me sentir aimé enfin…
Après toutes ces années…
J’aurais mieux fait de me supprimer à la maison, dans la salle de bains.
C’était vraiment stupide de ma part d’avoir voulu revoir la tombe de ma mère avant ma propre mort. Comme si elle était encore capable d’entendre ou de voir quoique ce soit.
La vie n’a aucun sens.
Elle
N’a
Aucun
Sens.
-Tu causes pas beaucoup. » Remarque l’électrokinésiste qui me garde, un homme plutôt petit, le crâne bien dégarni mais des sourcils très sombres qui lui donne un regard sévère.
Je choisis de l’ignorer. Il m’en a suffisamment fait baver comme ça lorsqu’ils m’ont récupéré sur la route. Utilisant son pouvoir sur moi pour le simple plaisir de voir que je ne pouvais rien faire pour l’en empêcher.
J’entends des pas s’approcher derrière moi et je me retourne par réflexe.
Au moins ils n’ont pas pris la peine de m’attacher. On m’a simplement fait comprendre que si je tentais quoique ce soit, Yannick recommencerait.
En prenant soin de ne pas me tuer bien sûr.
Quelle plaie…
La femme nous rejoint, m’ignorant superbement. D’après ce que j’ai pu comprendre de leurs échanges, ce n’est pas moi qui les intéresse, mais une éveillée très puissante de la région.
Je ne vois pas vraiment le lien avec ma personne mais bon… J’imagine que je ne sais pas tout de leur plan.
-Elle arrive. » Annonce-t-elle à Yannick en prenant sa radio dans sa main. « Elle est bien seule a priori… » Elle soupire. « J’aurais préféré que leur chuchoteur reste avec nous jusqu’au bout mais l’autre ne veut pas prendre le risque de le perdre. »
Yannick ricane.
-Ils ne nous font pas entièrement confiance. C’est de bonne guerre. » Conclut-il.
La femme me jette un coup d’œil assez désagréable.
-Elle est sage ? » Demande-t-elle.
Son collaborateur suit son regard avant de s’intéresser à son arme.
-Ouais. J’ai pas à me plaindre. » Lui répond-il simplement.
-N’oublie pas qu’au moindre problème, tu la butes… »
-C’est bon Patricia. Je sais ce que j’ai à faire. » Lui lance Yannick, soudain moins conciliant.
La dénommée Patricia s’apprête à répliquer lorsque sa radio se met à grésiller.
-C’est parti. » Chuchote une voix masculine dans l’appareil.
Patricia fait un bref signe de tête à Yannick qui se lève et s’approche de moi. Il me prend brusquement par le bras et me force à me lever également.
-C’est bon ! » M’exclamé-je en tentant de me défaire de sa poigne « Je peux me lever ! Lâchez-moi ! »
Mais Yannick tient bon. En fait, mes futiles tentatives le feraient presque rire.
Des voix lointaines me parviennent dans la radio sans que je parvienne vraiment à les comprendre. Puis Patricia approche soudain l’appareil de sa bouche.
-Si tu veux la revoir » Dit-elle d’une voix assurée. « Je te conseille de laisser mes gars en vie. »
Je fronce les sourcils.
La revoir ?
Qui voudrait donc me revoir ? Moi, qui ne suis qu’un fardeau, une éveillée inutile et sans pouvoirs, un boulet, une briseuse de cœur, une…
Un douloureux courant électrique me traverse alors que Yannick applique encore une fois son pouvoir sur moi sans prévenir et je lâche un gémissement.
-Mais foutez-moi la paix ! » M’écrié-je, rageuse, alors que Patricia approche sa radio de mon visage. « On peut même plus se supprimer tranquille maintenant ?! »
Yannick me gratifie d’un grand sourire satisfait.
-C’était parfait. » Conclu Patricia en tendant sa radio à Yannick. « Fais gaffe. » Ajoute-t-elle alors qu’il la prend. « Ne fais pas tout foirer. »
Il prend un air blasé.
-Je crois pas que je risque grand-chose avec celle-là. »
Et pour le prouver, il m’administre une autre décharge, juste pour le plaisir de m’entendre gémir à nouveau.
Cette fois je tente de le frapper pour lui faire lâcher prise mais il me saisit sèchement le poignet et me force à me rasseoir.
-Tout doux toi. Ça sera pas long. »
Je lui adresse un regard noir et il se contente de rire en réponse avant de se rasseoir lui aussi, prenant soin de me tenir toujours par le bras.
Il place ensuite la radio bien devant lui en mode réception et, après de longues minutes d’attente, nous finissons par entendre une voix masculine, la même qu’au début.
-Vas-y, entre. » Semble-t-il inviter quelqu’un.
Sans doute cette fameuse éveillée surpuissante…
Si Ambre était au courant de ça…
Je suis certaine qu’elle ne ferait qu’une bouchée de tout ce petit monde.
Dommage que je l’aie déçue, elle aussi…
La voix de Patricia me parvient ensuite de très loin.
-Ici. » Ordonne-t-elle, puis. « À genoux. »
Je hausse les sourcils.
Elle donnerait des ordres aussi secs à un éveillé soi-disant si puissant ?
Mais qu’est-ce que…
Lorsque la voix de l’éveillé en question me parvient soudain, me clouant sur place.
-Si tu comptes me torturer. » Entends-je la voix d’Ambre répondre d’un ton glacial « Il y a quand même des limites à l’attachement que j’éprouve pour l’éveillée que vous avez kidnappé. »
De…
Quoi ?!
Ambre ? C’est Ambre ?! L’éveillée puissante ?!
-Ah oui ? » Reprends Patricia. « Pourquoi es-tu là alors ? À genoux. »
Elle est venue !
Elle est venue pour moi !
Je pourrais presque en sauter de joie, ce qui doit certainement se voir sur mon visage puisque Yannick me calme immédiatement.
-T’excites pas toi. » Et je sens ses doigts se resserrer sur mon bras, mais il se retient de me torturer cette fois. « Elle risque pas de venir te chercher. »
Mais le fait de savoir Ambre si proche, venue jusqu’ici juste pour moi me redonne des ailes.
-Ah oui ?! » Je lui réponds, relevant la tête. « Ça se voit que vous ne la connaissez pas ! »
-Tiens ? T’as retrouvé ta langue maintenant ? » Se moque-t-il. « La ramène pas trop si tu veux pas que je recommence à jouer avec toi. »
Mais je me contrefiche de sa menace.
Le dialogue se poursuit à travers la radio et je tente de réfléchir à un moyen d’échapper à mon geôlier.
Lorsqu’un cri au travers de l’appareil nous fait brusquement sursauter tous les deux.
-TA GUEULE ! T’ENTENDS PÉTASSE ! FERME LA ! » Hurle la voix de Patricia, d’une colère inouïe.
L’étreinte des doigts de Yannick sur mon bras se fait légèrement moins forte.
Et je ne perds pas de temps.
D’un geste sec du bras, je parviens à m’en défaire et je me lève dans la foulée me mettant à courir pour me mettre hors de sa portée.
-Merde ! » Je l’entends lâcher alors qu’il me poursuit.
Malgré mon énergie et une motivation toute neuve je n’ai pas le temps d’aller bien loin.
Je sens ses bras autour de mes jambes alors qu’il me plaque brusquement au sol. Je lui donne de puissants coups de pied qui le force à me lâcher quelques secondes, juste le temps pour moi de me retourner.
Puis je sens ses doigts entourer ma cheville.
La décharge qu’il me destine me fait hurler cette fois et m’empêche de bouger, mes muscles se contractant de façon anarchique les uns après les autres.
Il me relâche après ce qui me semble être une éternité et je reste là, sur le dos, exsangue, me demandant bien pourquoi je m’acharne encore à rester en vie.
-Putain… » Lâche Yannick en rampant pour me rejoindre.
Il se place au-dessus de moi, tentant tout comme moi de reprendre son souffle.
-Tu sais, je suis pas un connard habituellement. » Me dit-il, son visage juste au-dessus du mien. « Mais si tu commences comme ça, on ne va pas être copains tous les deux. »
Il reste encore une bonne minute dans cette position, le temps de retrouver sa respiration, puis il se lève, m’entraînant avec lui jusqu’à me ramener au tronc d’arbre mort qui nous servait d’assise jusque-là.
Il me force à m’asseoir avant d’en faire de même.
Je serre les dents, déçue de n’être pas parvenue à faire mieux que ces quelques malheureux mètres lorsque Yannick se met soudain à crier.
-La radio putain ?! » Il se tourne vivement vers moi. « Qu’est-ce que t’as fait de la radio ?! »
Mon regard surpris ne le convainc pas et je n’ai même pas le temps de m’exprimer pour me défendre qu’il utilise à nouveau son pouvoir sur moi.
Je lâche un cri aigu.
Ça fait mal bon sang !
Je tente de lui faire lâcher prise, plaçant ma bouche sur son bras pour le mordre mais je n’ai même pas le temps d’y planter les dents qu’il décharge à nouveau.
Je recule d’un geste brusque, lâchant quelques larmes au passage.
-Réponds ! » Me hurle-t-il dessus. « Qu’est-ce que t’en as fait ?! »
-Rien ! Rien ! C’est pas moi ! » Tenté-je de le raisonner alors qu’il me tient par les deux bras cette fois.
Il cesse de me torturer, se rendant probablement enfin compte que je n’y suis pour rien. Ma vue commençait sérieusement à se brouiller et je secoue faiblement la tête pour tenter de chasser les mouches qui me volent encore devant les yeux.
Je l’entends inspirer profondément à plusieurs reprises.
Il me secoue brusquement.
-Un de tes potes est un téléporteur c’est ça ? » Me demande-t-il soudain. « Réponds ! »
Et je réalise de qui il doit parler.
Mathias !
Mathias est venu aussi !
Je hoche la tête pour toute réponse, me sentant bien incapable de lui mentir.
Puis j’ajoute avec un brin de malice.
-Ca te fait flipper hein ? » Et je m’autorise même un petit sourire.
Il plisse les yeux.
-Tente quoique ce soit et elle est foutue ! » S’écrit-il soudain à l’adresse de Mathias, toujours tapie dans l’ombre.
-C’est toi qui es foutu. » Lâché-je d’un ton de défi, me sentant à nouveau invincible avec mes deux amis aussi proches pour me sauver.
Je vois ses mâchoires se contracter alors qu’il saisit son arme à feu d’une main, me tenant toujours un bras avec l’autre. Son regard scanne les alentours, cherchant des traces du passage de Mathias dans les environs.
-Je te laisse 10 secondes pour te montrer. » Annonce-t-il soudain en braquant son arme dans le vide autour de lui, resserrant sa prise sur mon bras. « 10 putains de secondes et après elle y passe. »
Et il laisse un court temps de silence avant de décompter en commençant par 10.
Au bout de 5, il repère du mouvement dans les sous-bois et Mathias finit par se montrer, la radio bien en vue dans sa main.
-Mathias ! » M’exclamé-je, tellement heureuse de le voir.
Juste avant que Yannick ne me fasse lâcher un bref cri de douleur, utilisant une énième fois son pouvoir.
Qu’est-ce que j’aimerais pouvoir en faire autant…
-C’est bon mec, arrête avec ça… » Lui demande Mathias en avançant d’un pas.
-Avance encore et je te jure que ce sera la dernière fois que je pourrais lui faire… » Menace Yannick, son arme levée dans la direction de mon sauveur. « Balance la radio. »
Mathias fait mine de ne pas comprendre.
Il lève l’appareil et le lui montre.
-Tu parles de ça ? » Lui demande-t-il alors que des voix faibles nous parviennent à nouveau au travers des enceintes.
Yannick s’apprête à répliquer lorsque Mathias envoie soudain l’engin bien à distance de nous trois.
-Sale enfoi… »
Mais il n’a pas le temps d’achever son insulte.
Je tente de profiter de ce moment pour m’échapper, échouant lamentablement une nouvelle fois et je prends une seconde pour me rendre compte que je suis fichue.
Lorsque Mathias rejoint instantanément Yannick plaçant ses mains sur son bras et son visage.
Je sens la décharge puissante de mon geôlier et je sais qu’il a décidé de nous éliminer tous les deux. Mais je ne peux pas l’accepter.
Que moi j’y reste, je l’avais prévu de toute façon, mais pas Mathias et son postérieur de dieu grecque.
Hors de question.
Et je tente de réussir ce que je ne suis encore jamais parvenue à faire. L’empêcher d’utiliser son pouvoir. L’empêcher de tuer Mathias.
Je perçois le courant traverser le corps de Yannick et je tente de le dévier à défaut de pouvoir vraiment l’annuler.
Un centième de seconde me suffit pour savoir que j’y suis parvenue, redirigeant la totalité de la décharge dans la direction de son bras et de sa main.
Celle qui me tient.
Et je sais que mon ami n’aura rien.
La vie n’a aucun sens…
Enfin… Elle n’en avait pas.
Jusqu’à maintenant.